Le plan de transformation d'Air Corsica atteint sa vitesse de croisière

Rédigé le 17/12/2025
Manon Perelli

Fragilisée par deux exercices déficitaires consécutifs, Air Corsica a engagé au printemps un vaste plan de transformation baptisé Tocc’à noi. À l’occasion d’une conférence de presse organisée mardi, les dirigeants de la compagnie ont dressé un premier bilan d’étape de cette stratégie de réorganisation et de développement, censée redresser durablement sa trajectoire économique.

 
Il y a 25 ans, 45 compagnies régionales existaient en France. Il en reste aujourd’hui 4, la quasi-totalité d’entre elles ayant disparu au gré d’un secteur de plus en plus concurrentiel. Si Air Corsica fait partie des rares survivantes, ses dirigeants ont bien compris la nécessité de se réinventer pour espérer poursuivre un plan de vol au long cours. D’autant plus que la compagnie a fait face à un déficit d’exploitation de 15 millions d’euros en 2022 et 2023. Dans ce droit fil, un plan de transformation avait été annoncé en avril dernier afin d’améliorer sa trajectoire économique. Ce mardi, Pierre Muracciole, le président du directoire et Marie-Hélène Casanova-Servas, la présidente du conseil de surveillance, ont tenu à faire un bilan d’étape.
 
Dans le cadre de ce plan Tocc'à noi, 30 chantiers ont été ouverts depuis le début d’année, dont certains ont déjà été clôturés selon les dirigeants de la compagnie. « D'août à septembre, nous avons annoncé le développement de nouvelles lignes et le renforcement des lignes existantes », détaille Pierre Muracciole en ajoutant qu’entre septembre et décembre, « le moment le plus délicat du point de vue social », la compagnie a travaillé sur le plan de départs volontaires qu’elle avait annoncé en avril. Une procédure de ruptures conventionnelles collectives qui a atteint son objectif selon Marie-Hélène Casanova Servas. « Nous avions fait une évaluation avec un objectif prévisionnel de départ de 70 personnes. Il s’avère que 69 départs ont été validés », dévoile-t-elle en précisant que ces départs s’échelonneront jusqu’au mois de mars 2027 et que la plupart des salariés sont encore présentes dans l’entreprise aujourd’hui. « Ce plan de départs volontaires était indissociable d’un plan de réorganisation de chaque direction », poursuit la présidente du conseil de surveillance en soulignant que ce « plan de mobilité inédit » est « un levier essentiel du projet stratégique ». 
 
 
Une transformation en profondeur
 
« Lors d’une première séquence qui s’est donc déroulée entre août et septembre, 94 postes étaient à pourvoir pour lesquels plus de 180 candidatures enregistrées. Tous les candidats ont été reçus à l'entretien et plus de 60 nominations ont été réalisées. Cette première séquence est donc une réussite qui est à la fois quantitative et qualitative et qui démontre surtout la pertinence du dispositif et l'adhésion de l'ensemble des collaborateurs à la démarche de transformation qui est engagée », se réjouit-elle. Une deuxième séquence, qui est en marche depuis octobre, a visé à rediffuser 37 postes laissés vacants par les salariés de la compagnie nouvellement nommés dans d’autres fonctions ou non pourvus lors de la première séquence. En corollaire de cette réorganisation, la compagnie a en outre souhaité déployer un plan d’accompagnement de ses salariés pour former en interne et à avoir à recourir le moins possibles aux recrutements externes. 
 
« Nous avions dit que nous ne laisserions personne sur le bord de la route. Le but du plan de départs volontaires était de laisser de la place pour certains. Nous voulons miser sur la mobilité interne plus que jamais et accompagner les salariés pour qu’ils puissent monter en compétence sur de nouveaux métiers. Parfois on a fait des paris sur des personnes qui n’avaient pas forcément toutes les compétences, mais nous avions promis que nous ferions ce qu'il faut pour les accompagner en termes de formation », explique Lisa Riccini, la directrice des ressources humaines de la compagnie. Des opportunités de mobilité et d’évolution qui ont en outre « permis à des agents d’escale de Nice et Marseille de rentrer ou d’occuper des postes de superviseurs ou d’encadrement », souligne Marie-Hélène Casanova-Servas en assurant en parallèle que le plan de transformation de ces escales « se passe très bien ».
 
Autre axe structurant du plan Tocc’à noi, le regroupement et la modernisation du siège de la compagnie. Un projet pensé comme une transformation « harmonieuse », visant à améliorer la qualité de vie au travail tout en favorisant une meilleure collaboration entre les directions, rationalisant les espaces et adaptant l’outil de travail aux nouveaux modes d’organisation. Un chantier plus discret, mais jugé essentiel par la direction pour accompagner durablement la mutation de l’entreprise.
 
 
Préparer l’avenir
 
Sur le volet du développement commercial, la compagnie entend également changer d’échelle. « Dès 2026, nous allons lancer de nouvelles lignes phares ciblées sur des bassins particulièrement porteurs », annonce Jean-Baptiste Martini, le directeur commercial et marketing. Des lignes comparables à celles ouvertes vers la Belgique, pensées comme des relais de croissance à long terme. « Notre première clientèle internationale en Corse est aujourd’hui la clientèle allemande », rappelle-t-il, soulignant la volonté d’Air Corsica de consolider cette dimension internationale tout en la complétant. Car le développement ne se limite pas à l’étranger. La compagnie souhaite également combler certains manques sur le réseau hexagonal, notamment vers la Bretagne. « Le double objectif est de capter une clientèle touristique mais aussi de permettre aux Corses de voyager plus facilement », explique Jean-Baptiste Martini. Une stratégie qui marque « une véritable démarche de développement » et qui vise à sécuriser des lignes moins dépendantes des obligations de service public, tout en prévoyant un accroissement du nombre de sièges proposés au départ de Paris-Orly. Un plan de développement est d’ores et déjà tracé jusqu’en 2030.
 
La qualité de service fait également partie des priorités du plan Tocc’à noi. Gilles Albertini, directeur de l’exploitation et de la sûreté, évoque ainsi plusieurs chantiers ouverts notamment pour l’information des passagers. « Depuis le 19 novembre, un nouveau système de notification permet ainsi aux clients d’être informés dès 20 minutes de retard sur un vol », indique-t-il en précisant que l’idée est d’aller plus loin en couplant ce dispositif avec l’envoi de coupons de rafraîchissement directement sur le téléphone des passagers en cas de retard. Des efforts qui semblent porter leurs fruits. Selon Marie-Hélène Casanova-Servas, les résultats de la dernière étude de satisfaction client affichent des indicateurs « au vert et en progression ». « Ils témoignent du rôle essentiel d’Air Corsica dans la mobilité entre la Corse, le continent et les destinations internationales », souligne-t-elle. 
 
Sur le plan économique, Pierre Muracciole se montre pour sa part confiant. Le président du directoire affirme en effet que les premiers effets significatifs du plan Tocc’à noi se feront sentir « dès 2026 », avec l’objectif « d’atteindre un résultat positif en 2027 » et de dégager plusieurs millions d’euros d’économies à l’horizon 2030. « Nous savions qu’un plan de transformation allait générer des craintes, des angoisses et des interrogations. C’est normal. Mais le fort attachement des salariés à la compagnie a joué à plein », se félicite par ailleurs Marie-Hélène Casanova-Servas avant de conclure :« C’est un atout majeur. Nous avons des salariés très attachés à leur outil de travail, capables de relever un défi de cette envergure en très peu de temps ».