À qui était destiné le cash des tables de poker du cercle de jeux Cadet à Paris ?

Rédigé le 21/10/2025
La rédaction avec AFP

Le cash qui s'évanouissait des tables de poker du cercle de jeux Cadet à Paris était-il destiné aux "bergers braqueurs", l'un des groupes criminels les plus redoutés de Corse ? Le procès s'ouvre jeudi evant le tribunal correctionnel de Paris devant lequel comparaîtront 11 hommes…

Sur les onze hommes qui comparaîtront devant le tribunal correctionnel de Paris, l'un aimantera les regards : Jean-François Federici, 68 ans, éminent représentant de ce qu'une note policière de 2025, consultée par l'AFP, décrit comme un clan familial originaire de Venzolasca, disposant "d'une importante surface financière dont une partie est légale, grâce au blanchiment de leurs activités criminelles".
Dans une autre note de 2022, le groupe est dépeint comme ayant été "impliqué dans de nombreuses attaques de banques", "dans le racket d'établissements de nuit, bars et restaurants" du sud-est, ainsi que "dans les très lucratifs cercles de jeux parisiens".
Seul à comparaître détenu pour un double assassinat qui lui a valu une peine de 30 ans de réclusion criminelle, Jean-François Federici avait été poursuivi dans un dossier similaire, celui du cercle Concorde. Mais il réfute tout lien avec le cercle Cadet, ouvert en 2010 dans les mêmes locaux du IXe arrondissement. Et a fortiori une quelconque extorsion.
Non, l'homme qui avait racheté le cercle en 2012, Serge Kasparian, n'est pas l'homme de paille de la famille Federici, même si les enquêteurs s'étonnent de l'"investissement massif" que représentait cette acquisition pour ce propriétaire de brasseries dont les affaires "ne connaissaient pas un fonctionnement florissant".
Non encore, il ne l'a jamais rencontré en 2012 à la brasserie La Coupole à Paris pour lui signifier que "le cercle lui appartenait". Non enfin, il n'a pas envoyé deux proches au cercle en avril 2014 expliquer que les sommes reçues n'étaient pas suffisantes.
 

"Aucune preuve matérielle" 

 
Détourner de l'argent de ses commerces pour l'investir notamment au Maroc semblait une pratique de Serge Kasparian, condamné par le passé dans l'affaire des matchs truqués du club de football de Nîmes qu'il dirigeait.
S'il gardait une partie de l'argent détourné au cercle, sur les cercles de poker ou au bar, Serge Kasparian a un temps affirmé qu'il avait remis aux Federici entre 1,6 et 1,7 million d'euros, "tous les débuts de mois", "généralement devant des cafés situés sur de grands axes" parisiens, entre février 2013 et son arrestation en octobre 2014, selon une source proche de l'enquête.
"À deux occasions", notamment en août 2014, "alors qu'il n'avait pas été en mesure de leur remettre l'argent ou la totalité de la somme", des menaces seraient arrivées, accompagnées de coups, poursuit cette source.
Paroles d'affabulateur, rétorque Jean-François Federici, conforté par leur confrontation en 2018: Serge Kasparian revient alors sur ses accusations, explique que l'homme en face de lui n'est pas celui avec qui il a partagé un repas à La Coupole. Si les enquêteurs n'excluent pas que ce revirement s'explique par des menaces, il est clairement à décharge.
Tout comme le fait qu'"aucune surveillance ou preuve matérielle ne permette de démontrer que l'argent du cercle Cadet ait pu directement ou indirectement être récupéré par Jean-François Federici", concède une source proche de l'enquête.
La présence d'un ancien commissaire parmi les prévenus illustre la porosité entre la police et ces cercles de jeux parisiens, qui ont depuis tous fermé, après une série d'affaires judiciaires.
Cette enquête est un nouveau coup de boutoir porté aux "bergers braqueurs", confrontés "à un problème de transmission générationnelle" et "aujourd'hui en perte de vitesse", selon la note policière de 2025.
Toutefois, met-elle en garde, le cadet de Jean-François, Ange-Toussaint Federici, 65 ans, pourra demander début 2027 une libération conditionnelle et un aménagement de sa peine à 30 ans de réclusion criminelle pour l'élimination en 2006 du caïd phocéen Farid Berrahma. Cela "pourrait modifier les rapports de force à venir", prévient la police judiciaire.