Lucciana : une journée consacrée au handisport et à l’inclusion

Rédigé le 12/07/2025
Philippe Jammes

Dans le cadre du tournoi ITF organisé par la Ligue Corse de Tennis jusqu’au 13 juillet, ce vendredi après-midi était dédié au handisport. Au programme tennis-fauteuil, basket-fauteuil, handi-padel et démonstrations de matériel. Mais aussi échanges et débats.

Alors que bataillaient en plein soleil d’été sur les courts en terre battue du centre territorial de la ligue corse les tennismen engagés dans l’ITF, une table ronde se tenait à l’écart, au frais, sous chapiteau, entre les différents intervenants de cette opération de sensibilisation au handisport : Ligue corse de tennis, APF France -handicap, association « Tous pour chacun   », « Le faciliteur corse »*, « Corsica Sensi Handicap   », des handicapés, sportifs ou non... Présent aussi, Clément Miranda, classé 8e joueur français de tennis-fauteuil, 122e mondial qui avait répondu à l’invitation du jeune Maxime Ancian, qui débute dans le tennis-fauteuil. L’histoire de Clément Miranda, 26 ans, est celle d’un jeune qui a tout pour réussir dans le football. En 2021 une chute d’un toit interrompt son rêve : Sa moelle épinière est atteinte, il ne remarchera pas. Et pourtant le jeune se bat et se tourne vers une discipline qu’il ne pratiquait que de temps à autre : Le tennis. Trois ans plus tard, il entrait ans le top 10 français du tennis fauteuil et aujourd’hui vise les Jeux Paralympiques de 2028 ou 2032. «Mon histoire est la preuve qu’on peut tomber et choisir de se relever, autrement » déclare-t-il. « Il faut oublier le regard des gens, ne pas hésiter, y aller les yeux fermés. Il faut une force intérieureLa défaite n’existe que si l’on cesse d’avancer. C’est ce message que je veux faire passer lorsqu’on m’invite à de tels évènements. On m’a aidé, je me dois de faire pareil». La Corse, Clément la connait.

« C’est au tournoi de Costa Verde, un des meilleurs tournois français de tennis-fauteuil que j’ai entamé la compétition de haut niveau ». A ses côtés Maxime Ancian boit ses paroles et quelques minutes plus tard se retrouve avec lui sur le court. Si Clément est à l’aise face aux balles que lui envoie sans pitié le coach de Maxime, Mickael Dayan-Voisin, Maxime lui souffre énormément. « Il y arrivera à force de travail, de persévérance, d’abnégation, de souffrance. Il doit rouler,  jouer, passer des heures sur le court » souligne C. Miranda, «Maxime est très investi dans ce qu’il fait, pour preuve cette journée qu’il a organisée ici ».

Il a aussi été question de basket-fauteuil ce vendredi avec « Corsica Sensi Handicap ». Fondé par Sébastien Mesnil en mars dernier, CSH propose des ateliers de sensibilisation au handicap physique destinés à différents publics : écoles, collèges, université, collectivités. Sébastien Mesnil, ancien joueur de basket, passé notamment par Thonon, est depuis 15 ans le manager de l’équipe de France féminine de basket-fauteuil. Il vient de s’établir du côté d’Aleria, sur les conseils de Jean-Yves Regnault, champion olympique et du monde de basket-fauteuil dans les années 80, qui y vit. « Fort de 30 ans d’expérience dans le domaine du handicap et du handisport, mon objectif est d’améliorer l’inclusion et de promouvoir une meilleure compréhension des problématiques liées au handicap » explique-t-il. «En venant ici je voulais tourner une page, la ligue corse de basket m’a redonné l’envie. L’an passé j’ai même fait venir l’équipe de France à Ajaccio et à la rentrée de septembre on va créer une section basket-fauteuil à Ghisonaccia, d’abord en loisir puis pourquoi pas faire des compétitions sur le continent ».
Le transport : problème n°1 des personnes en situation de handicap
Lors de son intervention, S. Mesnil a justement mis en avant les problèmes liés au transport des personnes en situation de handicap. « Quand j’ai fait venir l’équipe de France à Ajaccio j’ai été heurté à cette difficulté de faire voyager mes joueuses par avion. Problème de place, problème à l’arrivée pour les faire descendre de l’avion, pour se déplacer, pas de véhicules adaptés. On doit se concentrer là-dessus en Corse et peut-être qu’en ayant une ligue corse handisport, comme toutes les régions de France et même d’Outre-mer disposent, on y arriverait. On est rattaché à PACA sur ce plan et nous n’avons aucune aide ». Et sur le sujet rebondit François Vela, organisateur du tournoi de Costa Verde. « J’ai été aussi confronté à ce problème pour les joueurs du tournoi. A l’arrivée à l’aéroport on a dû se débrouiller. On ne trouve aucune solution ». Julien Mendez-Tafarelli, directeur territorial APF France handicap pour le territoire de Corse, apporte alors son regard d’expert sur le problème : «Selon les régions, les aménagements et aides aux personnes handicapées et très disparate. En Corse on est en retard mais en progrès, on avance. Il nous faut avec l’ensemble des ligues réfléchir. L’accession aux pratiques sportives avec les clubs progresse mais il faut aussi une accessibilité à ces sports pour qu’un pratiquant puisse être autonome. En Corse, hormis les ambulances, il n’y a pas de véhicules PMR. Nous en avons quelques-uns à l’APF et on pourrait bien sûr envisager des partenariats. Une entité propre à la Corse pour centraliser le handisport serait vraiment souhaitable».
Autre sujet qui fâche, l’aide des fédérations sportives. « Nous n’avons aucune aide de la nôtre c’est le cas pour d’autres disciplines » déplore Sébastien Mesnil. A côté, Philippe Medori, président de la ligue corse de tennis, se sent un nanti. « Le tennis fauteuil fait partie de notre ligue et c’est un apport indéniable pour nous. On a ainsi fait un audit auprès des clubs pour connaitre leurs besoins. De son côté Maxime Ancian nous aide à grandir dans ce domaine. Ce tournoi est l’occasion idéale pour mettre en avant le tennis-fauteuil et le handisport en général ».
L’échange semble avoir été fructueux pour l’association ajaccienne « Tous pour chacun » qui permet aux personnes en situation de handicap de sortir de l'isolement, de s'épanouir et d'être reconnus en tant que bénévoles qui milite pour des échanges réguliers sur le sujet. Une proposition bienvenue pour Catherine Thomas de l’association « Le Facilitateur corse »*, qui entre dans le cadre d’un dispositif national de soutien à l’autodétermination soutenu par les collectivités et l’ARS. «Nous avons créé une antenne à Lucciana en janvier 2025 » précise-t-elle. « Notre Dispositif de Soutien à l'Autodétermination est un ensemble structuré de pratiques, de ressources et d'accompagnements visant à permettre aux individus, en particulier ceux ayant des besoins spécifiques, de faire des choix éclairés, de prendre des décisions autonomes, et de construire leur propre parcours de vie en accord avec leurs aspirations et leurs valeurs. ».
Au final, une journée riche en échanges de points de vue où certaines personnes en situation de handicap, un peu perdues, auront trouvé réconfort, espoir auprès d’interlocuteurs pertinents, motivés et professionnels. « Je pense que cette opération est réussie car elle a permis à des personnes handicapées de découvrir des disciplines et où et comment les pratiquer, comment se faire aider. On fait avancer les choses » conclut Maxime Ancian.