Dany Boon à Erbalunga : “Revenir sur scène, c’est retrouver mon rêve de gosse”

Rédigé le 12/07/2025
Léana Serve

Après sept ans loin de la scène, Dany Boon revient avec un spectacle personnel et engagé, Clown n’est pas un métier. Entre humour, introspection et regard critique sur l’époque, l’humoriste sera à l’affiche du festival Cap sur le Rire, à Erbalunga, le 17 juillet. L’occasion pour lui d’évoquer son attachement au public, sa vision du métier et son lien singulier avec la Corse.

Vous êtes de retour sur scène avec Clown n’est pas un métier, un titre qui intrigue. Qu’est-ce que ce nouveau spectacle raconte de vous ?
Il parle un peu de moi, bien sûr, mais surtout du monde, de la société, de ce qu’on vit aujourd’hui. On traverse une époque compliquée, et j’avais envie de faire rire, de rassembler les gens, loin des écrans et du numérique. Le titre Clown n’est pas un métier, c’est une phrase que j’ai retrouvée dans mes bulletins de collège que ma mère a gardés. Je compare d’ailleurs les critiques d’hier et celles qu’on trouve aujourd’hui sur les bulletins scolaires de nos enfants. Maintenant, c’est beaucoup plus bienveillant, alors qu’avant, on se faisait défoncer en deux lignes ! Et c’est ça qui est drôle. Quand on voit mon parcours, ce clown n’est pas un métier, qui à l’époque était très agressif et négatif, était presque une promesse d’avenir. C’était une confirmation que je devais faire rire les gens. Et puis ce spectacle, c’est aussi une façon de renouer avec la scène, après sept ans d’absence. L’affiche où je suis enfant illustre bien ça : ce rêve de gosse que j’avais de monter sur scène et de faire rire, je l’ai retrouvé.
 

Vous aviez quitté les planches en 2018. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’y revenir ?
C’est d’abord le contexte actuel. On vit dans un monde très dur, avec une société qui souffre, et dans ce climat, le lien entre les gens devient essentiel. J’ai ressenti ce besoin de recréer du lien, de dire : “Oui, c’est une époque compliquée, mais on peut encore rire ensemble.” Il y a aussi cette hyperconnexion permanente avec les réseaux sociaux et le numérique qui ont pris tellement de place dans nos vies. À travers ce spectacle, j’ai eu envie de rappeler qu’on peut encore se rassembler et rire ensemble.
 

Il paraît que vous devez un peu de cette décision à votre fille. Vous pouvez nous raconter ce moment ?
Au départ, je pensais plutôt revenir au théâtre. Le contact avec le public me manquait énormément, cette énergie du rire en direct, cette adrénaline… Et puis un jour, à table avec mon producteur, ma fille était là et elle m’a lancé : “Vas-y papa, fais du one-man show, ta tête est de plus en plus drôle !” Finalement, elle m’a convaincu de revenir sur scène avec un one-man show. En plus, c’est génial, parce qu’elle était trop petite à l’époque où j’ai arrêté pour comprendre vraiment ce que je faisais. Même si c’est formidable de faire du cinéma, je retrouve ce rêve de gosse et ce qui a fait mon succès et ma carrière.
 

C’est votre deuxième venue en Corse en tant qu’humoriste. Qu’est-ce que ça vous inspire de jouer à Erbalunga ?
Je suis vraiment très heureux de venir. J’adore venir en Corse. La toute première fois, c’était il y a 25 ans, pour un festival à Porto-Vecchio, et j’en garde un souvenir fabuleux. J’ai découvert la beauté de l’île, que je ne connaissais que de réputation. Depuis, je reviens régulièrement. J’adore faire du voilier, et j’ai eu la chance de faire plusieurs fois le tour de l’île à la voile, et même de participer à une régate à Saint-Florent. 
 

Vous êtes un artiste très attaché à vos racines. La Corse, avec son identité forte, vous évoque-t-elle quelque chose de familier ?
Oui, bien sûr. Il y a une identité très forte ici, et quelque part, ça me parle beaucoup, même si on n’a jamais revendiqué l’indépendance… enfin, pas encore ! (rires) Mais au fond, ce qui rapproche les Corses et les Ch’tis, c’est surtout ce lien profond à des traditions, qu’elles soient culturelles, culinaires ou artistiques. C'est important.
 

Vous êtes en tournée dans toute la France. Le public du Sud, de l’Est ou de la Corse rit-il aux mêmes choses ?
Oui, globalement. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait de grandes différences selon les régions. Ce qui peut varier un peu, c’est la manière dont certaines régions perçoivent les autres, mais sur le fond, l’humour touche tout le monde de la même manière. C’est comme pour mes films : j’ai la chance qu’ils marchent aussi à l’étranger, et je me rends compte que dès qu’on parle de l’humain, des relations entre les gens, ça parle à tout le monde. Je raconte des histoires de gens ordinaires, mais c’est important, parce qu’on s’identifie à la condition humaine au travers de tout ce qu’on peut vivre. Bon, c’est vrai que quand je joue dans le Nord, c’est un peu particulier : j’ai un lien très fort avec les gens de chez moi, et parfois, la pression est plus grande. Quand j’arrive sur scène, ils m’applaudissent comme si c’était déjà la fin du spectacle, donc il ne faut pas que je les déçoive. Mais au fond, la sensibilité est la même partout.
 

Comment abordez-vous le rapport entre humour et époque ? Vous sentez-vous plus libre, ou au contraire plus contraint qu’avant ?
Je pense qu’on est contraint quand on fait du cinéma, sur les réseaux sociaux ou à la télévision. Mais sur scène, on est beaucoup plus libre, parce qu’il n'y a pas de possibilité de polémique ou de viralité d'une vidéo comme il peut y avoir sur les réseaux sociaux. Sur scène, on est en contact direct avec les gens. La communication est entière, sans arrière-pensée et sans ambiguïté. C’est aussi pour ça que je suis si heureux de revenir sur scène : il y a une liberté totale. On peut aller beaucoup plus loin, bien plus que sur d’autres médias où on s’interdit certaines choses. C’est génial de retrouver cette liberté.
 

Vous avez débuté sur scène avec des personnages marqués, comme dans La vie de chantier ou Waïka. Cette manière de faire rire est-elle encore possible aujourd’hui ?
Oui, bien sûr. Avec ce nouveau spectacle, j’ai écrit quelque chose de totalement inédit, où les gens se reconnaissent. J’aborde beaucoup de thèmes en lien avec le monde d’aujourd’hui, et je l’ai fait sans aucune contrainte, avec une totale liberté, et le regard affuté, attentif et intelligent d'Isabelle Nanty, qui a fait ma mise en scène. On ne s’est interdit aucun sujet, au contraire : on s’est autorisé à tout essayer. Je ne me suis jamais demandé comment les gens allaient réagir à tel personnage ou telle situation. Et puis, il y a quelque chose de fondamental à mes yeux quand on prétend être clown, c’est qu’on doit toujours commencer par se moquer de soi-même avant de rire des autres.
 

Vous êtes aussi très attendu au cinéma. Avez-vous des projets en cours à venir côté grand écran ?
Oui ! Juste avant de démarrer le spectacle, j’ai tourné un film réalisé par Emmanuel Poulain-Arnaud, qui s’intitule Regarde. Je partage l’affiche avec Audrey Fleurot, et le film sortira en salles le 17 septembre. C’est un très beau film, qui raconte l’histoire d’un couple séparé confronté à un problème de santé qui touche leur fils. À travers l’histoire, on voit comment une famille dysfonctionnelle va se retrouver à travers une épreuve que vit un adolescent.
 

Entre la scène, l’écriture, la réalisation… quel est votre terrain de jeu préféré ?
Être sur scène, sans aucun doute ! J’ai retrouvé une chose essentielle dans la vie d'un artiste de scène : le fait d’arriver, d’attraper le public et de le faire rire en direct. C’est extraordinaire et jubilatoire.
 

Enfin, imaginez-vous un jour écrire ou tourner un film en Corse ?
Pourquoi pas ? La Corse est très belle et très cinématographique, avec une lumière extraordinaire et des paysages de dingue. Ça peut être une idée, il y a plein de possibilités. D’ailleurs, j’ai récemment regardé Le Royaume, que j’ai adoré. Pour un premier film, j’ai trouvé qu'il était très bien écrit et très bien réalisé.