Face aux effets du réchauffement climatique, le domaine viticole d’Alzipratu se lance dans une expérimentation inédite en Corse : planter des vignes à plus de 600 mètres d’altitude, sur les hauteurs du Ghjunsani. Une démarche à la fois agricole, environnementale et humaine, portée par Pierre Acquaviva et la biologiste Abigail Caudron.
C’est une première en Corse. En 2023, le domaine d’Alzipratu a lancé, dans le Ghjunsani, une expérimentation viticole inédite : la plantation de vignes à plus de 600 mètres d’altitude, les plus hautes de l’île. Objectif affiché : anticiper les effets du réchauffement climatique en adaptant la viticulture à des conditions plus fraîches. « En bas, entre 80 et 150 mètres d’altitude, nous sommes confrontés à de nombreuses contraintes liées au réchauffement : plus de soleil, des températures plus élevées, des étés plus longs et plus secs. Produire devient de plus en plus difficile », explique Pierre Acquaviva. « L’idée est donc de déplacer nos vignobles vers un contexte plus favorable, plus frais, et d’expérimenter cette solution pour garantir la pérennité de notre outil de production. »
Basé à Zilia, en Balagne, le domaine d’Alzipratu est une référence de l’AOP Calvi, qu’il contribue à faire évoluer depuis les années 1980. Avec une trentaine d’hectares cultivés en agriculture biologique, il défend une viticulture artisanale et engagée, à l’écoute de son environnement.
La nouvelle parcelle du Ghjunsani, implantée au cœur d’une châtaigneraie, devrait donner ses premières grappes dès cette année, avec une vendange attendue entre fin septembre et début octobre. « Nous ferons un premier vin, très artisanal, en lien direct avec la cave viticole d’Alzipratu à Zilia. C’est une aventure humaine et agricole qui commence », confie Pierre Acquaviva. Un pari encore accueilli avec prudence dans le village : « Certains habitants étaient sceptiques au départ, rappelant que les vins du Ghjunsani n’étaient pas réputés », sourit-il. « Mais nous pensons, objectivement, que grâce à la climatologie et à la structure du sol, nous avons ici un potentiel pour produire de beaux vins. »
Ce projet s’inscrit aussi dans une logique écologique assumée. Abigail Caudron, biologiste indépendante et compagne du viticulteur, pilote un programme de recherche sur la biodiversité dans les vignes. « Ici, nous avons planté les vignes au cœur d’une châtaigneraie, intégrant d’emblée les principes de l’agroforesterie, c’est-à-dire des arbres dans les parcelles agricoles », explique-t-elle. « C’est un peu l’inverse des grandes parcelles homogènes traditionnelles que nous cherchons à réensauvager, en favorisant la biodiversité avec des haies et des structures variées. »vOutre les bénéfices pour les sols, ces zones boisées soutiennent la faune locale, notamment les chauves-souris ou les oiseaux, qui participent naturellement à la régulation des insectes.
Ce projet expérimental, mené dans le cadre dynamique de l’AOP Calvi – désormais 100 % bio – pourrait inspirer d’autres initiatives insulaires. « Notre démarche de partage et d’innovation se veut un exemple concret, avec des outils pratiques à diffuser pour toute la filière », souligne encore Abigail Caudron.
Les résultats de cette vendange d’altitude, attendue pour 2025, pourraient bien ouvrir une nouvelle voie pour la viticulture corse, entre innovation climatique, valorisation des territoires ruraux et respect du vivant.