Bastia dévoile Napoléon IV, le prince oublié de l’histoire impériale

Rédigé le 12/07/2025
Philippe Jammes

Le musée de Bastia a inauguré ce vendredi son exposition temporaire annuelle consacrée à Napoléon IV, fils unique de Napoléon III. Une figure méconnue, à la croisée des mémoires françaises, britanniques et corses, que le musée révèle à travers 437 œuvres, documents inédits et dispositifs multimédias.

Bastia dévoile Napoléon IV, le prince oublié de l’histoire impériale

Autour du conservatur du musée de Bastia Sylvain Gregori, "les petites mains" : Fiora Soletti, Angelina Rossini et Alexandra Moretti.

C’est un rendez-vous culturel attendu chaque année. Depuis vendredi, le musée de Bastia présente une exposition inédite consacrée à Napoléon-Eugène-Louis Bonaparte, plus connu sous le nom de Napoléon IV (1856-1879), fils unique de Napoléon III et de l’impératrice Eugénie. « Le fils de Napoléon III est pour moi un héros romantique », estime Philippe Peretti, adjoint au maire de Bastia délégué au patrimoine. « Dans les dernières années de l’Empire, il est au centre d’une intense propagande, c’est l’héritier. Après Sedan et la fin de l’Empire, il devient le chef du Parti bonapartiste. Sa formation dans l’armée anglaise lui sera fatale. Il meurt en combattant les Zoulous, prouvant son courage. » Fruit d’une collaboration entre le conservateur Sylvain Gregori et le collectionneur ajaccien Christian Antonini, qui en est le commissaire associé, l’exposition s’appuie également sur l’expertise de l’historien Éric Anceau, commissaire général. Spécialiste reconnu du Second Empire, ce dernier signe aussi la direction scientifique du catalogue de l’exposition.


L’exposition explore les 23 années de vie de Napoléon IV, figure tragique et souvent éclipsée par ses illustres ancêtres. « La pertinence de cette expo était de faire connaitre cet oublié de l’histoire mais aussi un exemple de processus d’héroïsation tant au niveau national que régional, faire découvrir au public la corsité du personnage. Il ne viendra en Corse qu’une seule fois, en 1869, mais il sera fait prieur perpétuel de l’église Sainte-Croix de Bastia », précise encore Sylvain Gregori. « Il aura toujours un lien intellectuel avec l’île. Son précepteur, en lui enseignant l’histoire de France, lui a notamment parlé longuement de Pascal Paoli. » « Il ne faut pas réduire Napoléon IV à son rôle d’héritier : son parcours reflète les grands phénomènes du XIXe siècle — la victoire de la République face au bonapartisme, la colonisation, l’édification nationale… », souligne le conservateur. « Il incarne aussi le héros romantique par excellence. Il ne régnera jamais, sera contraint à l’exil, fasciné par le modèle de Napoléon Ier, et mourra jeune, dans un conflit lointain. »

437 œuvres, 2 niveaux, 4 dispositifs multimédias
L’exposition se déploie sur deux niveaux : « Le prince dans la construction de l’Empire (1856-1870) » et « Un destin d’exilé (1870-1879) ». Elle réunit 437 œuvres, dont de nombreuses inédites, issues notamment du château de Fontainebleau, du musée d’Orsay, du musée de l’Armée, du musée du Quai Branly, de Notre-Dame de Paris, ou encore de collections privées suisses.

Innovation notable : l’utilisation de l’intelligence artificielle pour animer des estampes. « C’est la première fois qu’un musée corse utilise l’IA dans une vidéo. Et le résultat est bluffant », confie Sylvain Gregori. La seconde partie de l’exposition revient sur l’exil britannique de Napoléon IV après la chute du Second Empire. « De nombreux élus corses viendront le rencontrer à Londres », rappelle le conservateur. Volontaire dans l’armée anglaise, le prince participera à la campagne du Zoulouland en 1879. Il y trouve la mort, à 23 ans, lors d’une embuscade. « Dans la dernière salle, nous abordons l’aspect mémoriel : il deviendra une icône du Parti bonapartiste avant de tomber dans l’oubli. »

Réalisée par une équipe de dix personnes et quatre scénographes, l’exposition rend justice à un personnage trop souvent relégué aux marges de l’histoire. « Le musée de Bastia est décidément le grand musée d’histoire vivante en Corse », conclut Philippe Peretti. L’exposition « Napoléon IV, un héritier en exil » est à découvrir au musée de Bastia jusqu’à fin décembre 2025.


Bastia dévoile Napoléon IV, le prince oublié de l’histoire impériale

Napoléon IV lors de la bataille du Zoulouland où il perdra la vie.


Bastia dévoile Napoléon IV, le prince oublié de l’histoire impériale

Le conservateur Sylvain Gregori entouré des "petites mains" du musée : Fiora Soletti, Angelina Rossini et Alexandra Moretti.