Réforme du financement de l’apprentissage : moins d’aides, mais toujours autant de contrats en Corse

Rédigé le 12/07/2025
Léana Serve

Le gouvernement a réduit ces derniers mois les aides à l’embauche d’apprentis. Depuis le 1er juillet, une nouvelle contribution de 750 euros est demandée aux entreprises pour chaque contrat à partir du niveau bac +3. En Corse, le recours à l’apprentissage reste stable, porté par un tissu économique moins affecté par ces mesures.

Les aides à l’apprentissage se réduisent. Il y a quelques mois, le gouvernement a décidé de baisser les aides allouées aux entreprises qui proposent des contrats d’apprentissage. Si le dispositif prévoyait jusqu’alors une aide de 6 000 euros à toutes les entreprises, les aides sont désormais abaissées à 5 000 euros pour les PME, et à 2 000 euros pour les entreprises possédant plus de 250 salariés. De quoi impacter le monde de l’apprentissage en Corse ? Pour les professionnels, aucune baisse significative n’est pour le moment constatée. “Est-ce qu’il y a eu un effet négatif sur les objectifs ? La réponse est non”, constate Xavier Luciani, directeur du CFA de Haute-Corse. “On ne peut pas dire que, pour l’instant, il y a une régression. On tourne toujours sur une moyenne de 700 apprentis.” Même constat pour Christophe Storaï, directeur du CFA universitaire. “On est à 500 contrats, ce qui représente à peu près 10 % des effectifs de l’université.”
 

Pour eux, cette stabilité s’explique en grande partie par un tissu économique insulaire dominé par les petites entreprises. “L’abaissement des primes de 6 000 à 2 000 euros pour les employeurs ne concerne que les entreprises de plus de 250 salariés. Mais en Corse, on ne peut pas dire qu'il y ait une multitude d'entreprises qui ont plus de 250 salariés. On a un indice économique qui est caractérisé par une forte présence de l'artisanat, ça représente environ 76 % des entreprises, et 67 % sont des entreprises unipersonnelles”, détaille Xavier Luciani. “Les entreprises de plus de 250 salariés sont contraintes par l’apprentissage, puisqu’entre 3 et 5 % de leur effectif doivent être des apprentis, mais on en a très peu. On travaille bien sûr avec certains grands groupes, mais on a surtout des contrats avec des très petites structures ou des PME, qui n’ont pas d’obligation en venant vers l’apprentissage. Elles le font par intérêt, par structuration, par stratégie”, ajoute Christophe Storaï.
 

Christophe Storaï indique même “qu’il y a toujours eu des contrats, même avant que les aides existent”. “Les aides ont évidemment permis de booster les contrats, avec une première aide de 8 000 euros, qui a ensuite été réduite à 6 000 euros. Mais quand il y a eu cette première baisse, on n'a pas eu de réduction du nombre de contrats, c’était plutôt une stabilisation. Aujourd’hui, elle est réduite à 5 000 euros, mais je ne pense pas que ça aura un impact. Tout dépend des besoins des entreprises.” Selon lui, l’apprentissage en Corse serait davantage motivé par les besoins des employeurs que par les aides financières. “Il sert vraiment de développement, de montée en compétences, de recrutement et de structuration des entreprises, très souvent les TPE. De temps en temps, elles reviennent vers nous parce qu’elles ont besoin d’un apprenti dans un domaine particulier, et elles ont conscience que l'apprentissage permet de sécuriser des emplois futurs.”
 

Une contribution de 750 euros demandée aux entreprises
Depuis le 1er juillet, une nouvelle mesure est mise en place pour les entreprises. Elles doivent désormais débourser 750 euros pour chaque contrat d’apprentissage signé, afin de participer à la prise en charge financière de la formation des apprentis, mais uniquement pour les diplômes de niveau 6, c’est-à-dire à partir du bac +3. En Corse, cette nouveauté devrait également avoir un impact limité. “Je suis à peu près persuadé que cette contrainte ne va pas beaucoup peser sur les partenaires actuels du CFA”, détaille Christophe Storaï. “Nos partenaires proposent des contrats quand ils ont un besoin de recrutement, parfois une année sur deux voire une année sur trois. Le reste du temps, on ne les sollicite pas, et je pense qu’ils ne vont pas être impactés.”
 

Du côté du CFA de Haute-Corse, Xavier Luciani se dit serein quant à cette annonce. “Le coût de prise en charge qui sera demandé aux entreprises n'est réservé qu'aux diplômes de niveau 6, et on ne peut pas dire que ce soit la majorité des contrats d'apprentissage chez nous. Il y en a, mais ce n'est pas énorme, puisqu’on est plutôt sur des contrats d’apprentissage de niveau 3, 4 et 5.” Pour les professionnels, le principal risque réside surtout au niveau des nouvelles entreprises, pas encore entrées dans l’apprentissage. “C’est vrai que cette charge de 750€ peut peser dans la réflexion des entreprises qui ne connaissent pas l'apprentissage et qui seraient peut-être enclines à y venir. Elles risquent peut-être de ne pas proposer de contrats”, explique Christophe Storaï.

Pour ne pas avoir à débourser les 750 euros, certaines entreprises ont anticipé et signé leurs contrats avant le 1er juillet, date d’entrée en vigueur de la mesure. “Les entreprises ont peut-être pris un peu plus d’avance que les autres années, mais on n’a pas non plus pléthore de contrats”, nuance Christophe Storaï. Même si la réglementation permet de signer un contrat trois mois avant le début de la formation, la majorité des signatures ont lieu entre septembre et décembre, une fois que les étudiants connaissent leur admission ou leur passage en année supérieure.

Quant à l’impact potentiel à plus long terme, les professionnels restent prudents. “Je ne vais pas vous dire qu’il n’y a pas de risque, mais je ne peux pas le quantifier. Il y a autant de chances que rien ne bouge, comme il peut y avoir un petit recul, notamment du côté des entreprises qui ne sont pas encore dans l’apprentissage”, estime Christophe Storaï. “Mais comme on n’est pas dans une logique de nombre, ni de notre côté ni de celui des entreprises, il n’y a sûrement pas lieu de s’alarmer. Les petits contrats seront toujours signés.”