Passe d'armes entre Gilles Simeoni et Christelle Combette sur la gestion des fonds européens

Rédigé le 24/04/2025
Manon Perelli

Ce jeudi après-midi, lors de la session de l’Assemblée de Corse, la présentation d’un rapport technique sur la délégation de gestion des fonds FEDER-FSE+ à l’ADEC a donné lieu à un échange tneud entre la conseillère territoriale d’Un Soffiu Novu et le président de l’Exécutif. Christelle Combette a en effet mis en cause la répartition des crédits européens et l’iniquité de traitement dont ferait l’objet la CAPA. Une accusation qui a eu le don d’agacer Gilles Simeoni, avec en toile de fond les tensions persistantes autour du financement du téléporté d’Ajaccio.

C’est un rapport technique qui n’appelait pas de réaction particulière. Et qui a pourtant donné lieu à une explication en règle entre Christelle Combette, conseillère territoriale d’Un Soffiu Novu, et Gilles Simeoni. Ce jeudi après-midi à l’occasion de la session de l’Assemblée de Corse, le président de l’Exécutif a présenté un rapport relatif à une convention de délégation de tâches à l’Agence de Développement Économique de la Corse (ADEC) pour la mise en œuvre des instruments financiers du programme FEDER-FSE+ Corse pour la période 2021-2027. « Il s’agit de la reconduction d’un dispositif déjà mis en œuvre lors de la période précédente de programmation des fonds européens », a expliqué Gilles Simeoni en indiquant que « dans le cadre du mécanisme global qui avait été mis en œuvre en application du SRDE2i, l’ADEC avait reçu mandat de la Collectivité de Corse pour sélectionner par voie de commande publique lorsque nécessaire les gestionnaires d’instruments financiers pour le compte de la CdC, autorité de gestion du FEDER ». Le rapport présenté ce jeudi avait ainsi pour objectif d’accorder à nouveau la qualité d’organisme intermédiaire à l’ADEC. 
 
Si Christelle Combette a souligné que « sur le fond du rapport », son groupe aurait tendance « à accompagner l’Exécutif », elle a tenu à émettre des réserves sur la forme. « La CdC, autorité de gestion en droit délègue à une agence la gestion d’une part non négligeable des crédits européens. Quid du contrôle exercé par la CdC et ses élus sur l’utilisation de ces fonds même s’ils sont fléchés dans la convention ? De plus à quel moment l’ADEC rend compte devant la commission du développement ou des finances de l’utilisation de ces fonds ? », a-t-elle argué en critiquant par ailleurs la gestion des fonds européens, regrettant le manque d’anticipation dans l’utilisation des fonds européens. « On a l’impression qu’on se rattrape sur la fin pour consommer à tout crin sans boussole ni ligne directrice », a-t-elle cinglé. Pis, sur la consommation des fonds, l’élue d’Un Soffiu Novu a estimé que la « collectivité semble faire le tri de ce qui lui parait opportun au détriment des autres territoires qui ont déposé des dossiers, certains depuis 2022, sans qu’aucune réponse ne soit apportée voire même qu’un appel à projet ne soit encore formalisé ». Une référence à peine dissimulée à la polémique autour de la demande de crédits européens formulée par la Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien (CAPA) pour compléter le financement du téléporté. « Cette logique est contraire à l’esprit même des fonds européens », a-t-elle encore appuyé en ajoutant : « Le maire d’Ajaccio et président de la CAPA a saisi Bruxelles pour que ces dysfonctionnements soient connus et audités ».
 
Un tacle qui n’a pas manqué de faire réagir le président de l’Exécutif. « La réalité est toujours différente suivant d’où on la regarde », a-t-il sifflé en tenant tout d’abord à assurer : « Nous ne sommes pas en retard : la période de programmation du programme européen court entre 2021 et 2027, et toutes les régions de France et d’Europe ont un décalage de deux ans. Nous avons donc jusqu’à 2029 pour consommer les fonds européens ». Plus loin, Gilles Simeoni a également assuré que la CdC a « dégagé un panel large d’outils financiers aux fins de couvrir l’ensemble des besoins des acteurs économiques ».
 

Mais c’est la référence à l’iniquité de traitement qui toucherait Ajaccio et la CAPA dans la répartition des fonds européens selon la conseillère territoriale d’Un Soffiu Novu, qui a suscité son ire. « Vous avez remarqué que dans cet hémicycle à plusieurs reprises vous m’avez tendu la perche, y compris en présentant la réalité à votre façon, sur la question des fonds européens au bénéfice de la ville d’Ajaccio. J’ai choisi de ne pas répondre », a-t-il posé en ajoutant que quand il a pris connaissance par voie de presse des démarches engagées par le maire d’Ajaccio, Stéphane Sbraggia, auprès de la commission européenne, il a également fait le choix de ne pas répondre. 
 
« Vous venez encore aujourd’hui d’affirmer que nous aurions une gestion à géométrie variable des dossiers. Je vais vous dire très clairement les choses :  en matière de fonds européens, la Collectivité de Corse soutient les acteurs et les projets dans une logique d’équité, et nous les soutenons tous avec la même disponibilité et le même engagement », a-t-il affirmé en écho en déroulant : « Lorsque nous aurons un peu de temps, je reprendrai la liste des dispositifs de soutien qui ont bénéficié à la ville d’Ajaccio et à la CAPA dans tous les domaines. Vous verrez que non seulement ces collectivités n’ont jamais été maltraitées, mais aussi que là où avant notre arrivée aux responsabilités il y avait eu des situations objectives d’iniquité par rapport à la Ville d’Ajaccio et la CAPA, j’ai corrigé cela à travers une discrimination positive en faveur de la région ajaccienne ».Dans ce droit fil, il a tenu à s’appuyer sur l’exemple des routes « où entre 2002 et 2015, avec une mandature de droite et une mandature de gauche, il n’y avait pas eu un seul euro au titre du PEI pour les infrastructures routières à Ajaccio ». « Quand nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avons constaté cette injustice. Il restait 100 millions d’euros et le conseil exécutif a mis 80 millions pour le Grand Ajaccio. Ne venez donc pas parler d’iniquité », a-t-il tonné. 
 
« Sur les orientations définies par l’autorité de gestion en concertation avec les bénéficiaires et validées par la Commission européenne, il y en a une qui est très claire sur la mobilité douce
Dans cette orientation, il est prévu que sont financées au titre des fonds européens les voies vertes. Parmi les voies vertes, la première à avoir été financée est celle qui va de la route des Sanguinaires jusqu’à la rive sud du golfe d’Ajaccio. Là encore ne venez pas parler de discrimination », a-t-il repris en venant au nœud du problème. « Par contre, le projet du téléphérique ne rentre pas dans les orientations actuelles telles qu’elles ont été validées depuis le début de la programmation et la ville d’Ajaccio et la CAPA le savent très bien. Donc lorsqu’on est venu nous demander de modifier, la réponse était déjà connue. C’est pour cela qu’à mon avis vous avez répété en boucle de façon inexacte que nous ne consommions pas les crédits », a-t-il dénoncé en appuyant : « Les crédits notamment sur l’axe qui concerne la mobilité douce peuvent effectivement concerner également le téléphérique. Mais pas dans le règlement que nous avons adopté il y a plusieurs années, bien avant la demande de la CAPA et que l’idée de téléphérique ne soit validée par le PTIC, parce qu’il y a une carence en termes de voies cyclables et de voies douces et que nous avons décidé ensemble de concentrer les crédits de la mobilité sur les voies douces. Ce que la CAPA est venue demander c’est de modifier le règlement, puis de prendre les crédits et de les distraire des projets que nous avons décidé de soutenir ».
 
Enfin, le président de l’Exécutif a confié avoir été « à la fois surpris et déçu » de découvrir par la presse que le maire d’Ajaccio avait écrit à la Commission européenne « sans juger bon de (l’)avertir ou de (lui) faire copie de ce courrier ». « Au-delà de la courtoisie, j’ai été déçu qu’il viole le principe élémentaire du contradictoire », a déploré Gilles Simeoni avant de conclure : « J’aurais l’occasion de répondre et la Commission européenne aura l’occasion si elle souhaite donner une suite à la saisine du maire d’Ajaccio de nous départager. Nous verrons ce qu’elle dira sur l’iniquité que vous invoquez ».