Une messe en langue corse a lieu chaque mois dans l’église San Ghjisè à Bastia. Cette tradition, portée par l'archiconfrérie, s’inscrit dans une longue histoire où la langue et la foi s’entrelacent pour préserver l’identité insulaire.
Dans un contexte où l’avenir de la langue corse reste un sujet de tension, notamment dans ses rapports avec les institutions nationales, l’usage du corse dans les offices religieux résonne comme un acte de transmission et de résistance culturelle. Ainsi une fois par mois, sous les voûtes de San Ghjisè à Bastia, les fidèles répondent au prêtre en corse. Président de l’archiconfrérie, José Gandolfi a profité de la célébration de ce 4 décembre pour rappeler l’importance de cette pratique : « Nous célébrons des messes dans notre langue sans qu’il y ait de dissensions. Le Vatican reconnaît la langue vernaculaire dans l’espace du sacré. Parler corse à l’église est une manière de traduire notre foi. Cela ne pose aucun problème aux confrères ni aux fidèles. L’Eglise ne cherche pas à imposer uniquement le français ; elle reconnaît l’importance de prier dans sa langue. » explique-t-il.
Cette reconnaissance s’inscrit dans une perspective plus large de « religiosité populaire », une thématique mise en avant par le pape François. La traduction de la Bible en corse renforce cet ancrage culturel : « Les mots ont plus de sens dans notre langue », confie José Gandolfi.
L'Eglise prend en considération la réalité culturelle
Dans le domaine du sacré, la langue régionale est un vecteur important dans l'expression et la transmission des croyances, des rites et des pratiques culturelles. Elle véhicule des prières, des chants et des coutumes ancrées dans l'identité locale. Parler corse lors de cérémonies religieuses permet de renforcer le sentiment d'appartenance et de continuité culturel. Au-delà de cet aspect identitaire, son usage est aussi une manière de préserver des connaissances ancestrales et de favoriser la transmission intergénérationnelle,à cet égard l'Eglise accompagne cette démarche en considérant la réalité culturelle du terrain. Le diacre, Pierre-Ange Agostini est ferme quant à la situation de la langue sur le territoire insulaire et regrette que la jeunesse dans sa majorité ne s'exprime pas dans en corse. Il appuie "j'ai appris ma langue maternelle avec ma grand-mère, je revendique l'usage du corse, et déplore qu'aujourd'hui les jeunes le parlent de moins en moins, 'morta à lingua, morta à cultura. Quant au corse dans l'église, je pense qu'une messe se dit dans toutes les langues, alors pourquoi pas la mienne. Prier le Paternostru dans ma langue, m'apporte quelque chose de plus".
A cette question de la place de la langue régionale dans l'espace du sacré, le maire de Bastia, Pierre Savelli réagit "je trouve que c'est la preuve qu'elle est très présente, c'est une vraie volonté de la mettre dans tous les espaces, même si on est freinés. On entend les propositions de différentes juridictions, mais personne ne nous empêchera de parler corse. La langue est faite pour l'échange, et d'un point de vue personnel, je crois que la pensée est plus importante que la parole. Lors d' une messe célébrée en corse, il y a pour moi une dimension en plus."