Nanette Maupertuis : « Nous devons répondre à des besoins impérieux et réels, impactés par l’insularité »

Rédigé le 24/10/2024
Nicole Mari

Lors de son allocution d’ouverture de la session d’octobre, la présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, a évoqué la visite dans l’île de la ministre du Partenariat avec les territoires et de la décentralisation, Catherine Vautrin, qui devrait rencontrer les élus territoriaux vendredi après-midi, et du rendez-vous avec les maires en congrès à Aiacciu. Elle décline ensuite les priorités sur le temps court et le temps long, les mesures de moyen et de long terme à prendre et la nécessité d’inscrire les défis démographiques, économiques et climatiques à relever dans une prospective plus large pour être efficace.

Le temps qui file, les priorités de l’instant et les défis à relever sur le long terme. La présidente de l’Assemblée de Corse, Nanette Maupertuis, a axé son discours de la session ramassée du 24 octobre sur la nécessité de la gestion du temps pour l’efficience de l’action publique. La session, ordinairement prévue sur deux jours, a été raccourcie pour cause de la visite dans l’île de la ministre du Partenariat avec les territoires et de la décentralisation, Catherine Vautrin. La ministre arrive jeudi après-midi à Bastia et après un détour le soir par Corti, rejoindra Aiacciu pour assister au Congrès des maires vendredi matin et rencontrer les élus territoriaux à l’Assemblée de Corse dans l’après-midi. Une rencontre dont le format n’est pas encore validé. D’où une session sans question orales et ramassées sur une poignée de dossiers urgents. Dans ce contexte, la présidente Maupertuis ne pouvait que débuter par le premier sujet au cœur de cette visite : la poursuite du processus d’autonomie confirmée officiellement par la ministre en réponse à une question du député Michel Castellani. « Nous nous sommes quittés fin septembre sur fond de crise budgétaire et d’interrogations quant aux discussions relatives à l’avenir institutionnel de notre île et nous avions à ce propos voter une résolution demandant au président de la République et au Premier ministre de poursuivre le processus visant à doter la Corse d’un statut d’autonomie. Nous nous retrouvons fin octobre avec des premiers éléments de réponse sur le plan politique, notamment à travers l’interview de la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, éléments qui je l’espère pourrons être discutés dès demain, avec elle, au sein de cette assemblée ».
 
La contrainte du temps
La ministre devrait faire des annonces et donner des réponses, également sur la question brûlante de la revalorisation de 50 millions d’euros de la Dotation de continuité territoriale qui, pour l’instant, n’est pas inscrite au projet de loi de finances 2025 actuellement en débat au Parlement. « Nous nous retrouvons également avec autant d’incertitudes qu’en septembre sur le plan des finances publiques », indique la présidente Maupertuis. Or, prévient-elle, « Le temps file et le niveau de complexité augmente. Ce temps qui devient contrainte dès lors qu’il apparait fuir aux logiques propres de l’action politique. Trop long, il éloigne du projet politique les citoyens soucieux de réactivité, voire d’immédiateté. Trop court, il exerce une pression certaine sur la construction de la décision publique et la clairvoyance qu’elle impose ». Pourquoi s’axer sur cette question du temps alors qu’il y a urgence ? « Parce qu’il en sera question lors de cette session, mais également demain », répond-elle. « En session d’abord, nous examinerons ce qui relève du temps présent, à savoir un savant mélange de contraintes externes et de compromis internes à trouver pour tout d’abord, s’assurer des marges immédiates de manœuvre sur le plan budgétaire. Ensuite, sécuriser la gestion publique de nos infrastructures stratégiques de transports. Enfin, nous doter d’un référentiel en organisation à même de mieux préparer notre Collectivité aux enjeux à venir. Dans les trois cas, nous nous insérons bien dans un temps présent, qui consiste à répondre à des besoins impérieux et réels, impactés par l’insularité ».
 
Rétablir de la proximité
En prévision de la rencontre avec les maires, Nanette Maupertuis aborde ensuite « l’horizon de moyen terme » et « la nécessité de rétablir de la proximité dans un environnement relativement incertain. Pour parler de proximité, indispensable en contexte insulaire, donc géographiquement éloigné, il faut être capable de poser des mots sur ce que cela implique ». Et d’interroger : « De quelle proximité veut-on ? D’une proximité de services, qu’ils soient de transport, de santé ou d’éducation ? D’une proximité politique, sur le plan de la représentation et du rapprochement des centres de décisions ? De communautés et d’organisations administratives repensées et correspondant à des bassins de vie à la cohérence socioéconomique plus proche des territoires vécus ou imaginés ? ». Elle examine aussi la façon de décliner cette proximité : « Avec quels moyens et quels outils ? » et qui, estime-t-elle, ne peut se réduire à la seule action communale. « La proximité de l’action politique, quelle qu’en soit sa forme, ne peut être la préoccupation des seuls maires et ne renvoyer qu’à une question d’échelon institutionnel ou administratif. Elle exige a contrario une vision stratégique du territoire, une organisation territoriale et un projet d’aménagement cohérents ainsi qu’un cadre pluriannuel pour l’établir ». Sur un temps plus long, la présidente de l’Assemblée de Corse revient sur le projet de révision constitutionnelle qui « à partir de 2025, pourrait déterminer un nouveau statut pour notre île par le biais d’un processus étapiste. Cette question éminemment politique mérite un cadre pertinent de discussion. Ce sera finalement le cas demain, je m’en réjouis, et je rappellerai à cette occasion que construire la Corse de demain passe par le respect des travaux déjà menés, la continuité des engagements pris et le vote de cette assemblée, en particulier le 27 mars dernier ». Tout en avertissant encore : « Mais, soyons vigilants ! Le temps file et demain est déjà là. Les tendances à l’œuvre sont si lourdes que, non prises en compte, elles pourraient engendrer l’obsolescence programmée des décisions aujourd’hui imaginées ».
 
Des transitions à assurer
Pour illustrer son propos, Nanette Maupertuis se concentre sur deux défis à relever : la transition énergétique et la transition démographique. « Si l’ensemble des mesures de court-terme et de moyen-terme n’intègre aucun des scenarios prospectifs déjà disponibles ou en cours d’approfondissement, aucun des signaux d’alarme largement diffusés par le monde scientifique, alors le temps ne sera définitivement jamais notre allié. À penser transports aujourd’hui, budget aujourd’hui, proximité de demain, compétences et moyens de demain sans prendre la mesure d’une Corse veille et vieillissante, sans amorcer rapidement et de manière disruptive la transition énergétique de notre île, nous risquerions de nous égarer entre l’exigence de réactivité et la décision éclairée, de nous perdre quelque part où nous ne répondrions ni à l’une ni à l’autre. L’impact, y compris budgétaire, du vieillissement de la population et d’une transition énergétique mal maitrisée pourrait remettre en cause notre système bien au-delà de toutes les incertitudes actuelles. Cela vaut pour l’Europe, cela vaut pour la France, cela vaut pour la Corse ». Elle invite donc les élus à poursuivre leur action dans le temps présent, sans occulter que « les défis climatiques, démographiques, les mutations économiques à l’œuvre nous imposent d’accepter de raisonner enfin dans un cadre temporel plus large. Il nous faut impérativement éclairer nos décisions à l’aune des grandes tendances qui traversent le monde ». Et de conclure : « Voir plus loin pour bien choisir aujourd’hui. Il ne s’agit pas de se détourner des problèmes présents mais de leur assurer le bon niveau de traitement, celui de solutions qui ne seraient pas reculer pour mieux sauter ».