Contrôles de la CPAM : les infirmiers libéraux de Haute-Corse tirent la sonnette d'alarme

Rédigé le 05/06/2025
Léana Serve

Réunis ce jeudi à l’auditorium de Biguglia, des infirmiers libéraux ont fait part de leur inquiétude face aux contrôles de la Caisse primaire d’assurance maladie. En cause : des sanctions financières infligées pour des irrégularités administratives, alors même que les soins ont bien été réalisés. Ils demandent l’ouverture d’un dialogue avec l’Assurance maladie sur l’avenir de leur profession.

Contrôles de la CPAM : les infirmiers libéraux de Haute-Corse tirent la sonnette d'alarme

Plusieurs infirmiers libéraux se sont réunis ce jeudi à Biguglia

C’est un ras-le-bol général qu’expriment les infirmiers libéraux. Ce jeudi, ils se sont réunis au sein de l’auditorium de Biguglia pour exprimer leur mécontentement face aux contrôles lancés par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM), qui visent à vérifier la conformité des soins facturés à l’Assurance Maladie. De nombreux soignants estiment être sanctionnés pour des irrégularités dont ils ne sont pas responsables. “Sur le territoire, certains de mes confrères se sont retrouvés en situation d’irrégularité avec la CPAM, à cause d’ordonnances pas assez explicites, qui n’emploient pas les bons termes, mal datées ou mal rédigées par les médecins”, déplore Océane Baldocchi, infirmière libérale à Bastia. “Une consœur a fourni une attestation d’un médecin reconnaissant avoir mal rédigé, elle a réussi à faire refaire l'ordonnance, mais la CPAM lui demande quand même un remboursement.”
 

Des remboursements qui, selon l’infirmière, atteignent des sommes importantes. “Ça peut aller de 10 000 à plus de 100 000 euros pour certains cabinets, alors que ce sont des soins qui ont vraiment été faits.” Un constat que partage Dumè Agostini, infirmier libéral à Bastia. “On fait comprendre aux infirmiers qu’ils sont redevables de sommes qui représentent parfois jusqu'à deux ans de salaire, simplement pour des bugs administratifs”, explique-t-il. “À cause de ça, certains sont terrorisés à l’idée d’aller travailler, ils ne veulent plus aller faire les soins. Mais si demain, vous avez besoin d'antibiotiques en intramusculaire ou en intraveineuse, et que j’arrive chez vous alors que le médecin a mal rédigé l’ordonnance, que dois-je faire ? Je m’en vais sans faire les soins, je fais les soins mais vous me payez, ou alors je prends le risque que la CPAM me tombe dessus dans quelques mois ou dans quelques années ?”
 

Un appel au dialogue
Si les infirmiers dénoncent la façon dont sont menés les contrôles, ils estiment pour autant qu’ils sont indispensables. “Il est tout à fait normal que des contrôles soient menés, on ne défend absolument pas les fraudeurs”, indique Océane Baldocchi. “Par contre, dans le cas où les infirmiers ont réellement fait les soins, je ne vois pas pourquoi ils devraient rembourser à cause d’erreurs administratives. On peut simplement trouver un moyen de s’arranger en se remettant en règle.” Ce rassemblement est pour eux une manière de “taper du poing sur la table”. “On ne peut pas dire à un soignant qu’il a travaillé toute une année pour rien parce qu’il doit rembourser. On se lève tôt, on a des grosses journées, on fait parfois plus que du soin, on fait du social, c’est très mal venu de nous faire des choses de la sorte.”
 

Les infirmiers dénoncent aussi un paradoxe avec la proposition de loi visant à élargir leurs compétences. “On va nous demander de réaliser les certificats de décès à la place des médecins, de faire les ordonnances pour les diabétiques, de faire une ordonnance de pansement à un patient pour ne pas engorger les urgences… On va nous faire confiance pour ça, mais on ne nous fait pas confiance quand on fournit une ordonnance d'un médecin qui a utilisé les mauvais termes”, dénonce Océane Baldocchi.

Tous se disent “à bout” de cette situation. “On ne peut plus s’occuper correctement des patients. On est au bord du burn-out, si ça continue, on va tous finir en arrêt maladie”, dénonce Dumè Agostini. Avec ce rassemblement, ils espèrent entamer un dialogue avec la CPAM. “On ne demande pas l’arrêt des contrôles, on demande simplement à ce qu’ils soient faits dans une autre logique, celle de relever et de corriger des erreurs ensemble, et non de punir. Ce mouvement est une main tendue au gouvernement, à la CPAM dans le but d’améliorer la qualité des soins en Corse. On ne veut pas d’un bras de fer, on veut simplement du dialogue, parce qu’aujourd’hui, on ne parle pas des infirmiers libéraux, on parle de la santé de nos patients qui est en jeu, et c’est très grave.”


La CPAM de Haute-Corse tente de rassurer les infirmiers

Face à la grogne croissante des infirmiers libéraux en Haute-Corse, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a tenu à apporter des précisions sur son action et réaffirmer son engagement auprès des professionnels de santé. L’organisme se veut rassurant, rappelant que des relations étroites et régulières sont entretenues avec les syndicats représentatifs de la profession, dans le cadre d’échanges jugés « permanents et constructifs ». Concernant les sujets au cœur des tensions, la CPAM insiste notamment sur les évolutions encadrant la facturation des soins aux patients dépendants depuis l’introduction du Bilan de Soins Infirmiers (BSI), dispositif instauré par l’avenant 6 à la convention nationale signé en 2019. Désormais obligatoire avant toute facturation, ce bilan annuel – ou intermédiaire en cas de modification de l’état clinique du patient – vise à établir un plan de soins personnalisé. L’Assurance Maladie souligne qu’un assouplissement est prévu : les soins peuvent commencer avant la saisie du BSI, qui doit cependant être complétée dans un délai d’une semaine. L’outil Amelipro permet une transmission dématérialisée du plan de soins aux médecins prescripteurs comme aux services de l’Assurance Maladie, et détermine automatiquement le forfait journalier à appliquer. Tout en assurant que l’objectif n’est pas de pénaliser les infirmiers, la CPAM rappelle que les opérations de contrôle font partie des missions classiques de régulation, dans un souci de juste utilisation des fonds publics et de lutte contre la fraude. Les cas d’anomalie restent « peu nombreux » selon elle, et les infirmiers concernés par des notifications d’indus ont la possibilité de faire valoir leurs observations dans le cadre d’une procédure contradictoire. Enfin, la direction locale affirme rester « à l’écoute » des représentants de la profession, qu’elle s’apprête à rencontrer à nouveau, notamment sur les questions liées au BSI.