Nanette Maupertuis : "Personne ne va nous empĂŞcher de parler corse"

Rédigé le 10/03/2023
Manon Perelli

Ce jeudi, le Tribunal Administratif de Bastia a annulé les délibérations portant modification des règlements intérieurs de l’Assemblée de Corse et du Conseil Exécutif. Par ce jugement, il a en effet estimé inconstitutionnelle la formulation posant que le corse, comme le français, sont langues de débats à parité. La présidente de l’Assemblée de Corse réagit à cette décision.

Nanette Maupertuis : "Personne ne va nous empĂŞcher de parler corse"

Nanette Maupertuis, présidente de l’Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.

- Ce jeudi, le Tribunal Administratif de Bastia a rendu un jugement annulant la modification des règlements intĂ©rieurs de l’AssemblĂ©e de Corse et du Conseil ExĂ©cutif de Corse en ce qu’ils posent que les langues des dĂ©bats sont le corse et le français, et que cette formulation est estimĂ©e contraire Ă  l’article 2 de la Constitution. Qu’en penser alors que le processus de discussions relatif Ă  l’avenir institutionnel de l’île vient de reprendre avec l’État ?
- À mon avis, cela prouve bien que ce processus doit avoir lieu et qu’il faut une réforme constitutionnelle pour permettre à la Collectivité de Corse de pouvoir mettre en place les outils de communication et linguistiques qu’elle souhaite. On voit bien qu’il y a un souci. Je trouve cette décision affligeante d’abord pour la Corse, mais aussi pour toutes les langues minorées. En France, il y a quand même une régression très forte. Je trouve aussi que c’est aberrant parce que dans plusieurs régions françaises, que ce soit des régions de droit commun ou l’Outre-Mer, on s’exprime dans la langue du territoire, comme le breton, le béarnais, ou la langue créole, sans que personne ne dise rien. En fait, on peut s’exprimer dans ces langues, mais il ne faut pas écrire dans le règlement intérieur d’une assemblée délibérante qu’on va le faire. C’est quelque part aussi un peu hypocrite.
 
- On le sait, les Ă©lus de l’AssemblĂ©e de Corse n’ont pas attendu cette modification du règlement intĂ©rieur pour s’exprimer en corse dans l’hĂ©micycle, ce qu’ils font depuis longtemps. Cette dĂ©cision n’est-elle finalement pas avant tout symbolique ?
- Je pense que quelque part la position du juge administratif est Ă  la fois symbolique mais quand mĂŞme très dure. En fait, au-delĂ  de ce qui est inscrit dans la Constitution, le juge administratif s’appuie sur la loi du 4 aoĂ»t 1994 qui permet l’usage des langues minorĂ©es, sauf dans l’ensemble des services publics oĂą il est dit que seul le français doit ĂŞtre utilisĂ©. Cela veut dire que les dĂ©bats de l’AssemblĂ©e de Corse sont considĂ©rĂ©s par le juge administratif comme un service public, et cela pose question. C’est quand mĂŞme une interprĂ©tation très maximale sur le plan juridique de cette loi de 1994. Je considère que cela pose un problème car, du coup, dans toutes les administrations en Corse, quelles qu’elles soient, dans tous les services publics, dans l’Enseignement SupĂ©rieur, etc., on considère qu’on ne peut pas parler le corse. Et puis, il y a un autre paradoxe, c’est que l’AssemblĂ©e de Corse a, de par la loi, une compĂ©tence pour promouvoir et mettre en place une politique autour de la langue corse. C’est ce que nous avons fait encore hier en votant le budget primitif puisque pratiquement 500 000 euros sont dĂ©volus Ă  la langue. Donc, on peut promouvoir la langue corse, avoir une politique de la langue, contribuer Ă  sa diffusion, et paradoxalement, on ne peut pas la parler au sein de l’hĂ©micycle. On voit bien que le système est complètement paradoxal, et que nous sommes Ă  bout, Ă  mon sens, du système juridique actuel. Ă€ mon avis, la rĂ©vision constitutionnelle s’impose donc pour que le corse puisse ĂŞtre une langue usitĂ©e comme il se doit. La dĂ©monstration en a Ă©tĂ© faite avec cette dĂ©cision.  
 
- Ce jugement aura finalement peu d’impact, puisque l’on sait bien que ce n’est pas cela qui empĂŞchera les Ă©lus de parler corse dans l’hĂ©micycle. Quelle suite lui donner ? 
- La rĂ©action est unanime : personne ne va nous empĂŞcher de parler en langue corse. On voit mĂŞme que certains textes portĂ©s dans l’hĂ©micycle sont parfois en langue corse, comme les motions, mĂŞme si elles n’ont pas de portĂ©e normative. Bien Ă©videmment nous souhaitons avoir une position commune de l’AssemblĂ©e de Corse. L’Assemblea di a GiuventĂą est aussi en train de prĂ©parer une motion. Et puis c’est Ă©galement un appel fort aux Corses de manifester leur dĂ©sapprobation pour sauver la langue, pour qu’elle soit, non pas une langue accessoire, mais une langue vivante qui permette l’exercice dĂ©mocratique. La seule chose que nous demandions c’était que nous voulions rĂ©aliser notre exercice d’élus dans les deux langues qui sont les nĂ´tres : le français et le corse. Je pense que cela n’enlève rien Ă  personne.