Des acteurs du végétal réunis à Portivechju pour relancer la filière « Corsica Grana »

Rédigé le 07/10/2025
Julien Castelli

Né en 2016 sous l’impulsion du Conservatoire botanique national de la Corse (CNBC), le label « Corsica Grana » vise à préserver le patrimoine végétal insulaire, en faisant certifier les plantes et semences produites en Corse, dans une volonté de valorisation, de réappropriation et d’utilisation de la flore insulaire. Mais près de dix ans plus tard, cette démarche a subi un coup d’arrêt, que le CNBC tente de relancer en ayant convié divers acteurs du végétal, lundi 6 octobre à Portivechju.

Des acteurs du végétal réunis à Portivechju pour relancer la filière « Corsica Grana »

Lundi, différents acteurs du végétal en Corse se sont réunis dans les jardins de L'Alma Salvatica, à Portivechju.

C’est dans les jardins de l’association L’Alma Salvatica que des chercheurs, pépiniéristes, paysagistes, agriculteurs et représentants des offices de l’environnement et du développement agricole de la Corse se sont réunis lundi 6 octobre, pour reconstruire une dynamique autour de la préservation du patrimoine végétal insulaire. Lorsque le label a été créé en 2016, 95 % des plantes vendues en Corse provenaient du continent ou de l’étranger. Près de dix ans plus tard, ce pourcentage n’a pas évolué, regrette Lou Barbe, chargé pour le CNBC de l’animation de la marque Corsica Grana et de la restauration écologique : « Ca s’est essoufflé à cause du Covid. Et puis il y a eu le décès de Stéphane Rogliano. » Ce pépiniériste porto-vecchiais, amoureux des plantes du maquis, avait créé Les Serres de Ferruccio à Portivechju. Jusqu’à sa mort en 2022, « il produisait beaucoup selon la démarche Corsica Grana et parvenait à convaincre les revendeurs », rappelle Lou Barbe.

3 000 espèces végétales en Corse

C’est dans l’idée de poursuivre le travail engagé par Stéphane Rogliano que l’association L’Alma Salvatica, dirigée par Stevana Careddu, a repris le flambeau en 2023. Ici même où Stéphane Rogliano a tant oeuvré. Le lieu a été symboliquement retenu par le CNBC pour relancer la filière Corsica Grana, lundi, au travers d’une promenade à travers les jardins et de différents ateliers (récolte de fruits et graines dans le maquis tout proche ; tri des graines, mise en lots et traçabilité ; stratification).

Des acteurs du végétal réunis à Portivechju pour relancer la filière « Corsica Grana »

Le label Corsica Grana a été créé en 2016. Il convient aujourd'hui de lui insuffler une nouvelle dynamique.



En Corse, on dénombre environ 3 000 espèces végétales, dont près de 300 sont indigènes et 130 présentes uniquement sur son sol. Introduire des espèces venues d’ailleurs, c’est prendre le risque de laisser le champ libre à des espèces potentiellement invasives, ou porteuses de maladies. En Corse, les exemples n’ont pas manqué au cours des dernières décennies : cynips du châtaignier, cochenille du pin, charançon du palmier ou plus récemment Xylella fastidiosa.corsica/Xylella-Fastidiosa-Le-Conseil-d-Etat-annule-l-interdiction-de-faire-rentrer-des-plants-de-vegetaux-en-Corse_a80821.html ont mis à mal l’écosystème végétal insulaire. Et dans les conditions de sécheresse extrême que traverse actuellement l’île, la démarche Corsica Grana revêt toute son importance : « Il faut sensibiliser les clients au fait de planter local même en commençant petit, estime, convaincu, Pascal Vachey, paysagiste à Biguglia. Les plantes du maquis ont besoin de beaucoup moins d’eau que des plantes qu’on aura fait venir de l’extérieur, à grand renfort d’engrais. »

"On n'en est qu'au début de la filière"

« Ces plantes verdoyantes qui viennent de l’étranger sont formatées pour avoir un visuel, mais pas pour faire un bon jardin », confirme Jonathan Becciu, qui a pris la suite de Stéphane Rogliano aux Serres de Ferruccio. Au quotidien, il tente d’expliquer à ses clients que la plante corse qui ne paie pas de mine, celle-là même qu’il cultive « au savon noir, sans aucun engrais », durera plus longtemps que la plante, de prime abord plus avenante, mais qui ne résistera pas aux affres du climat insulaire. Le pépiniériste porto-vecchiais aimerait bien inverser la tendance, mais économiquement parlant, cela lui est impossible tant qu’en Corse, 95 % des plantes vendues viendront du Continent ou de l’étranger.

« L’idée de se retrouver ce lundi, c’est pour trouver des clients. On n’en est qu’au début de la filière », confirme Sylvie Monier, qui œuvre de son côté pour la filière Végétal local, la grande sœur issue du Continent de Corsica Grana, née un an plus tôt. Et entre la Corse et le Continent, la problématique n’est pas la même, note-t-elle : « En Corse, il y a énormément d’arbres, donc les besoins en plantation sont relativement légers par rapport à certains secteurs sur le Continent. » En Corse, Sylvie Monier invite à observer le maquis pour tirer les enseignements du changement climatique : « Aujourd’hui, des espèces qui restent bien vertes en période de sécheresse, on voit qu’il y en a partout, quand d’autres vont souffrir. Il faut continuer à chercher les semenciers qui nous paraissent les plus résilients face au climat. » Et sur l’aménagement des espaces paysagers, convaincre les socioprofessionnels du végétal « qu’utiliser des essences sauvages, c’est bien ».