Depuis plusieurs jours, des vidéos montrant des poissons morts ou à l’agonie au fond du barrage de Teppe Rosse, près d’Aleria, suscitent l’émotion sur les réseaux sociaux. Selon l’Office d’équipement hydraulique de Corse, cette situation est la conséquence d’une opération de maintenance, imposant l’élimination d’espèces dites invasives.
Depuis une dizaine de jours, des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent des milliers de poissons morts ou agonisants au fond du barrage de Teppe Rosse, à quelques kilomètres d'Aleria. Des images qui ont rapidement suscité l’indignation des internautes, qui dénoncent « un véritable massacre » et « un patrimoine halieutique de 60 ans détruit en quelques jours ». Si ces poissons sont aujourd’hui visibles dans le lit asséché du barrage, c’est le fruit d’une opération liée à la maintenance de l’ouvrage et menée par l’Office d’équipement hydraulique de Corse (OEHC), gestionnaire de l’infrastructure.
Selon l’OEHC, cette opération a été décidée à la suite d’une visite de sécurité décennale imposée par la réglementation en vigueur pour les ouvrages hydrauliques. « Lors de cette visite, il a été constaté une dégradation du parement amont de la digue, ce qui nous a amenés à entreprendre des démarches administratives de maintenance », explique Ange de Cicco, directeur de l’OEHC. Pour préparer cette intervention, le niveau d’eau du barrage a été abaissé progressivement à partir du printemps, en coordination avec la saison d’irrigation agricole. « Notre objectif était d’atteindre, à la fin de l’été, la côte minimale d’exploitation, qui permet d'avoir accès à l'intérieur du barrage pour le remettre en état. »
À la fin du mois de septembre, des voix s’étaient élevées parmi les pêcheurs locaux pour dénoncer les conséquences de la vidange sur la faune aquatique de ce plan d’eau artificiel aménagé dans les années 1960 où la fédération des pêcheurs a introduit divers poissons comme la carpe et la sandre afin de développer une activité de pêche de deuxième catégorie. Ils s’insurgeaient notamment contre « des actions scandaleuses de destruction d'espèces vivantes comme ce fut le cas déjà l’an passé au barrage de Peri en Plaine orientale qui avait été complètement mis à sec tuant de nombreux poissons ».
Face à ces critiques, l’OEHC assure avoir suivi scrupuleusement la procédure imposée par les autorités compétentes. « Les travaux sur un ouvrage comme un barrage sont totalement encadrés par les services de l'État par le biais d'un arrêté préfectoral. Lorsque le plan d'eau se trouve à un certain niveau, nous devons faire une pêche de caractérisation des espèces qui se trouvent dans l'ouvrage », détaille Ange de Cicco. Cette première pêche, réalisée au début de l’été, avait pour objectif d’identifier les espèces présentes dans la retenue. « La pêche a révélé la présence d’espèces classées invasives. Il ne s’agit pas d’une décision de l’Office, mais d’une réglementation officielle », insiste le directeur.
« Un équarrissage prévu » pour les poissons restants
Dès lors, l’arrêté imposait l’élimination de ces espèces, et non leur déplacement, afin d’éviter qu’elles ne menacent les espèces endémiques, notamment dans d’autres plans d’eau de l’île. « Nous avons procédé à plusieurs pêches au fil de l’abaissement du plan d’eau. Toutes les espèces capturées étant invasives, elles ont été acheminées vers un centre d'équarrissage, comme le stipule l’arrêté préfectoral qu’on applique. » Face aux critiques estimant que « l’Office se fie à une liste établie par le CPIE concernant des poissons dits invasifs afin de justifier le fait qu’ils tuent, or cette liste n’a absolument aucune valeur scientifique », Ange de Cicco répond : « Il y a un long débat entre les espèces invasives en France continentale et en Corse. Je suis prêt à tout entendre, je suis même prêt à changer d'avis, mais je suis garant d'appliquer la loi qui m'est imposée. »
Mais qu’en est-il des poissons toujours visibles dans le barrage de Teppe Rosse ? Selon l’OEHC, à mesure que le niveau de l’eau a baissé, tous les poissons n’ont pas pu être capturés, notamment ceux restés dans les zones les plus basses. « Vous ne mettez pas un chalutier dans le barrage pour ratisser les fonds », ironise Ange de Cicco. « Lorsque le plan d’eau atteint sa côte minimale d'exploitation, il est possible d’avoir une mortalité d'espèces invasives. Mais un équarrissage est prévu, avec une entreprise qui va très bientôt récupérer les espèces mortes. Nous allons faire un dénombrement global et il y aura bien entendu un document qui atteste la quantité et le type d'espèces envoyées à l'équarrissage. »


