Avec Festi Lingue à Ventiseri, Évelyne Adam donne de la voix pour le corse et les langues minoritaires

Rédigé le 25/06/2025
Léana Serve

Animatrice de radio pendant plus de trente ans, Evelyne Adam s’est installée en Corse pour renouer avec des valeurs qu’elle juge essentielles. Les 27 et 28 juin, elle lance à Ventiseri, commune où elle est conseillère municipale de Ventiseri chargée de la programmation culturelle, la première édition de Festi Lingue, un festival consacré aux langues régionales et à la mémoire des territoires.

Avec Festi Lingue à Ventiseri, Évelyne Adam donne de la voix pour le corse et les langues minoritaires

Evelyne Adam organise le festival Festi Lingue

– Vous avez été animatrice de radio pendant plus de 30 ans. Vous souvenez-vous du moment où vous avez su que vous vouliez faire de la radio ?

– J’ai toujours eu cette envie, cette passion viscérale pour la radio, qui remonte à l’enfance. Petite, la moindre courgette — je précise que j’ai grandi à Toulon ! — devenait un micro improvisé pour mes interviews imaginaires. Des années plus tard, alors que je venais de commencer mon métier de secrétaire médicale après mes études, un événement anodin a tout changé. Mon fils a gagné un 45 tours sur l’une des premières radios locales de Toulon, en 1981. Quand je suis allée récupérer le disque, l’équipe, séduite par ma voix, m’a littéralement suppliée de rejoindre l’antenne. J’ai tout quitté du jour au lendemain pour embarquer dans l’aventure des radios libres. J’en ai fréquenté deux ou trois avant que Radio France ne me repère à Marseille. C’est ainsi qu’a débuté ma grande histoire avec la radio publique.

– Vous avez marqué toute une génération d’auditeurs. Qu’est-ce qui, selon vous, faisait la particularité de votre lien avec le public ?
– L’authenticité, sans aucun doute. J’ai toujours mis un point d’honneur à établir une relation sincère avec l’auditeur. Une voix ne triche pas : à travers un micro, on perçoit tout de suite si la personne est vraie ou non. J’espère avoir été une présence bienveillante, familière, une sorte de voix amie qui les accompagnait trois heures par jour, dans une proximité presque intime.

– Vous êtes désormais installée en Corse. À quel moment est-elle entrée dans votre vie ?
– Il y a 25 ans, pour des raisons familiales. Une partie de ma famille est originaire de Poggio-di-Nazza. J’ai eu l’occasion de rénover une petite maison et j’ai décidé de le faire, tout en continuant à partager mon temps entre Radio France à Paris et la Corse. Je faisais l’aller-retour chaque mois, jusqu’à ce que je m’installe quasiment à plein temps en 2017.

– Qu’est-ce qui vous a immédiatement touchée ici ?
– Ce qui m’a bouleversée, c’est le rapport aux valeurs, à la sincérité dans les relations humaines. Ce sont des choses que je défendais déjà à l’antenne : l’honnêteté des sentiments, la solidarité, la fraternité. J’ai retrouvé ici une authenticité que j’avais perdue à Paris. Même si mon environnement professionnel restait humain, la ville elle-même m’apparaissait de plus en plus individualiste. En Corse, j’ai redonné du sens à ma vie.

– Vous organisez la première édition du festival Festi Lingue, dédié aux langues minoritaires et aux musiques régionales. Comment est née cette idée ?
– Elle me trotte dans la tête depuis longtemps. Je suis fille d’Alsaciens, et chez nous, on parlait alsacien : ma mère, ma grand-mère, toute la famille militait pour la défense des langues régionales. Grâce à Radio France, j’ai pu délocaliser plusieurs émissions pour aller à la rencontre de territoires à forte identité : j’ai animé en direct depuis Lorient, le Pays Basque, Bayonne, l’Alsace… J’ai toujours voulu donner une voix à ceux qui défendent leur culture. Le discours du député Michel Castellani à l’Assemblée, en faveur des langues régionales, m’a profondément émue. C’est à ce moment-là que j’ai ressenti le besoin de créer un festival en Corse. Le projet a mis du temps à éclore, notamment à cause du Covid, mais la mairie a tout de suite compris le potentiel de rayonnement. Le soutien a été fort, à la fois pour les langues minoritaires et pour la valorisation de la Plaine Orientale. Je suis accompagnée par Antoine Garand et l’association A Salvezza. Les agents municipaux ont également été très impliqués, notamment pour l’achat et l’aménagement du site de l’ancienne usine, un lieu chargé d’histoire. Ces pierres semblent parler, et elles collent parfaitement à l’esprit du festival.

– Quel est le programme ?
– Nous mettons à l’honneur quatre langues : le corse, le breton, l’occitan et le basque. Dès 11h, une trentaine d’exposants proposeront des démonstrations de savoir-faire traditionnels : coutellerie, vannerie, apiculture… Il y aura aussi des jeux anciens, comme la pelote basque, des balades à dos d’âne, des rencontres avec des auteurs. Nous projetterons en avant-première le film Une langue en plus de Francis Cabrel, Michel Feltin-Palas et Jean-Jacques Torre. Et bien sûr, la musique rythmera toute la journée.

– Et le soir ?
– Le 27 juin, nous accueillerons Anne Etchegoyen pour représenter le Pays Basque. Elle partagera la scène avec Francine Massiani. Le groupe Eppò portera haut les couleurs de la Corse. Le lendemain, Les Soledonna ouvriront la soirée, suivies de Séverine Bonnin, une rockeuse occitane, avant de laisser place au groupe breton Manau, qui clôturera le festival.

Que souhaitez-vous transmettre à travers ce festival ?

– Avant tout, le lien. Je vois déjà naître des envies de collaborations entre artistes. Mais ce festival, c’est surtout une démarche de transmission, notamment en direction des jeunes générations. Après la projection du film, nous organiserons des conférences sur l’écriture en langue minoritaire et sur l’avenir de la langue corse. C’est un programme dense, mais profondément nourri par le désir de valoriser ce qui nous a été transmis. Il est temps de nous unir pour poser ensemble une pierre de plus à l’édifice des langues minoritaires, et continuer à défendre leur présence dans notre monde.


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