40 ans des Restos du Cœur : en Haute-Corse, face à la précarité, la mobilisation continue

Rédigé le 28/10/2025
Léana Serve

40 ans après l’appel de Coluche, les Restos du Cœur poursuivent leur mission en Haute-Corse, où la précarité ne cesse de s’aggraver. À l’occasion de l’événement "40 anni di core", organisé ce mercredi à Bastia, bénévoles et partenaires feront le point sur les nouveaux défis, alors que la campagne d’hiver débutera le 17 novembre dans un contexte d’augmentation des bénéficiaires.

40 ans après l’appel de Coluche, les Restos du Cœur continuent leurs actions à travers tout le territoire. En Haute-Corse, la section départementale marque cet anniversaire par une journée d’échanges et de solidarité, intitulée "40 anni di core", et organisée ce mercredi au centre culturel Alb’Oru de Bastia.
Dès 10 heures, un forum ouvert au public réunira bénévoles, partenaires institutionnels et associations autour de plusieurs tables rondes. L’objectif : faire le point sur la précarité et sur les nouvelles formes d’aide mises en place.
« On parlera bien sûr de la distribution alimentaire, mais aussi d’autres points que les gens connaissent un peu moins, comme l’accès aux soins ou l’accès aux droits », explique Alexandre Santerian, responsable départemental des manifestations et événements.
 

D’autres sujets, tels que « le bien manger » seront également abordés. « C’est un point qui est important maintenant. Quand les gens sont en situation de précarité, ils vont consommer des aliments moins chers, mais qui sont souvent trop gras, trop salés, trop sucrés, et ça engendre des problèmes de santé, surtout pour les enfants : de l’obésité, des carences. On va donc aborder cette qualité alimentaire, et une certaine autonomie aussi, pour savoir comment on peut produire au local pour redistribuer de façon sociale. On aura aussi d’autres sujets comme l'alphabétisation et la petite enfance, puisque désormais, on prend en charge les enfants de 0 à 3 ans, complètement. »
 

En marge du forum, des stands de recrutement de bénévoles et de collecte de dons seront installés, ainsi qu’un espace pour les enfants. La journée se clôturera à 20 heures par un concert gratuit sur la scène de l’Alb’Oru, avec I Chjami Aghjalesi en tête d’affiche. « C’est un concert qui se veut accessible à tous, notamment parce qu’on a aussi un aspect d’accès à la culture, au cinéma, au cirque… C'est un point qu'on développe de plus en plus parce que les gens qui sont en situation de précarité n'ont pas accès à tout ça. »
L’entrée est libre, mais chacun est invité à apporter des denrées alimentaires ou des produits d’hygiène, qui seront collectés sur place avant d’être redistribués dans les sept centres de Haute-Corse.
 

Une précarité en hausse constante
 

Si les Restos du Cœur célèbrent cette année leurs 40 ans, l’heure n’est pourtant pas vraiment à la fête. « C’est un anniversaire, mais c’est compliqué de le fêter, parce que ce sont aussi 40 ans de précarité », reconnaît Alexandre Santerian. Initialement créée pour durer « un hiver ou deux », l’association continue aujourd’hui de répondre à une demande toujours plus forte.
En Haute-Corse, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 280 000 repas servis l’an dernier, soit entre 2 000 et 3 000 familles accompagnées sur l’ensemble du département. « Si on rapporte ces chiffres à la population, ça représente environ 2 % des habitants de la Corse », souligne-t-il.
 

Face à la hausse des besoins, les critères d’admission ont notamment dû être resserrés pour pouvoir continuer à aider les familles. « Malheureusement, les critères ont été un peu rehaussés, sinon les familles auraient eu moins dans leurs paniers. On est obligés de réduire les quantités de ce qu’on donne, notamment le lait qu’on achète toutes les deux semaines, parce qu’on n'a pas de subventions extensibles. On a quand même le soutien de la collectivité, de la ville de Bastia, de la Corsica Linea et la Corsica Ferries, qui nous aident à transporter parfois des marchandises gratuitement, mais ce n'est pas facile. Et avec les différentes législations aussi, notamment sur l’anti-gaspillage, on a moins de ramasse où les grandes surfaces nous donnent des invendus. C’est pour ça qu’on essaie de trouver des partenariats avec des entreprises ou des agriculteurs qui peuvent nous faire bénéficier d'excédents. Ça peut être des clémentines qui ne peuvent pas être vendues dans un circuit classique parce que les fruits sont un peu déformés, par exemple. »
 

La campagne d’hiver des Restos du Cœur débute cette année le 17 novembre, et cette année encore, le nombre de bénéficiaires devrait augmenter. Une évolution qui traduit une nouvelle réalité sociale. « On a beaucoup plus de gens qui travaillent mais qui n'arrivent pas forcément à subvenir à leurs besoins. On a beaucoup de précarité sur la saisonnalité, avec des employés dans les campings, les restaurants. mais qui ne touchent qu’un demi-salaire par et qui sont au chômage le reste du temps. Ils sont dans une situation délicate une grosse moitié de l'année », souligne Alexandre Santerian.

Face à ce constat, l’association insiste sur l’importance d’agir en amont. « On dit toujours qu'il vaut mieux pousser la porte des Restos quand on n'est pas encore avec le frigo vide que quand le frigo est complètement vide. Ça permet de rebondir plus facilement, parce qu’une fois que les gens n’ont plus rien du tout, ils vont avoir peut-être une aide alimentaire, mais il faut aussi les aider pour la recherche d'un emploi, pour une réhabilitation sociale. Ça engage d'autres acteurs qui interviennent dans des situations finalement d'isolement social. »

Plus d'informations sur le concert : 07 44 62 89 98