Pour le collectif « Piaghja di Golu », le centre de surtri de Monte est « une fausse route à tous les niveaux »

Rédigé le 05/07/2025
Manon Perelli

Ce vendredi, aux côtés de militants de Core in Fronte, les membres de ce collectif composé de riverains et d'agriculteurs de la micro-région ont bloqué l'accès au site du futur centre de surtri de Monte, provoquant l'annulation de la pose de la première pierre, prévue en début d'après-midi. Au travers cette action, ils entendaient rappeler leur opposition à ce projet qu'ils jugent surdimensionné, contre-productif et source de désagréments majeurs. La droite insulaire a pour sa part fustigé ce blocage, dénonçant "l’irresponsabilité de ceux qui, par le recours à la force et à l’agitation, tentent de mettre en échec un projet crucial pour la gestion des déchets".

Impossible d’accéder au site qui doit accueillir le futur centre de surtri de Monte ce vendredi. Depuis le petit matin et jusqu’à la fin d’après-midi, tracteurs et tractopelles ont été positionnés en travers de la route afin de bloquer l’accès aux engins de chantier, alors qu’une cérémonie symbolique de pose de la première pierre aurait dû se tenir en début d’après-midi, en présence des représentants de l’État et du Syvadec. Une action coup de poing orchestrée par des militants de Core in Fronte et par des membres du collectif « Piaghja di Golu » composé de riverains et d’agriculteurs de la micro-région qui s’opposent frontalement à cette installation qui doit accueillir près de 98 000 tonnes de déchets par an, arrivés par camion depuis toute la Haute-Corse mais aussi une partie de la Corse-du-Sud. 
 
« Nous sommes convaincus que ce projet est une fausse route à tous les niveaux », souffle Jean-Dominique Versini, l’un des membres du collectif en estimant que ce centre de surtri tel que prévu aujourd’hui « présente peu d'avantages et beaucoup d'inconvénients sur tous les plans ». Sur le plan technique, d’abord, le collectif affirme que le projet « est surdimensionné ». « Tous les experts que nous avons consultés, y compris des gens de très haut niveau, nous ont dit qu’il y a une espèce d’obsolescence à construire ce type de structures qu’on appelle les tris mécano-biologique. Même l’Ademe au niveau national ne finance plus ce type de centre. Ce projet est une aberration », fustige le représentant du collectif en taclant par ailleurs la centralisation du traitement des déchets. « Partout sur toute la planète, la base est de traiter les déchets au plus près de leur zone de production. Cela n’a aucun sens de les transporter sur des dizaines de kilomètres », souffle-t-il en déplorant les conséquences que ce choix pourrait engendrer. « On parle de 150 camions qui seraient en moyenne chaque jour sur les routes de l’île. L’été, on pourrait même avoir des pics à 300 ! Cela va avoir un impact carbone et des désagréments au niveau routier qui vont être catastrophiques. Et puis cela va aussi augmenter le coût de traitement des déchets par habitant, alors que la Corse affiche déjà le chiffre le plus élevé de France ». En outre, le lieu lui-même est source d’incompréhension. « Nous sommes sur un site aussi agricole, dans une zone qui est le grenier de la Corse ! Il est impensable d’avoir une telle structure ici », s’agace Jean-Dominique Versini.
 
Pour le collectif Piaghja di Golu, il est donc essentiel de revoir intégralement la copie. « Il faut éclater le surtri des déchets en quatre ou cinq centres, dans des zones spécifiques, et peut-être réutiliser des anciens sites  déjà dédiés au traitement des déchets, et non pas faire un centre surdimensionné ici qui va prendre 90% des déchets de la Corse », pose Jean-Dominique Versini en appuyant par ailleurs sur la nécessité d’accentuer le tri à la source. Un axe d’ailleurs au cœur du Plan territorial de prévention et de gestion des déchets adopté par l’Assemblée de Corse en juillet 2024. « On voit que cela marche ailleurs.  L’Italie arrive aujourd’hui à des taux de tri de 60% », note le représentant du collectif Piaghja di Golu en glissant : « Et on voit même que cela fonctionne chez nous, puisque la Balagne qui a mis en place un politique de tri à la source arrive aujourd’hui à plus de 60% de tri. C’est vraiment un modèle à répliquer sur toute la Corse, car si le tri à la source est fait de manière optimale, il y aura moins de déchets à traiter ensuite ». 
 
« Il faut que tout le monde revienne à la réalité, qu’on se pose tous et qu’on réfléchisse de manière consensuelle », insiste-t-il en ajoutant encore : « On comprend très bien l’ampleur du problème. La crise des déchets est réelle, et il faut y répondre. Mais pas à travers un projet aussi massif, mal situé et techniquement dépassé. Notre objectif, c’est d’alerter les autorités de manière positive, en disant qu’on fait fausse route. Ce projet ne va pas résoudre la crise. Il risque au contraire de l’aggraver, et de créer des désagréments majeurs, avec des déchets qui vont se balader dans toute la Corse ». 

 

Un blocage qui provoque l’ire de la droite

Si suite à l’action du collectif Piaghja di Golu et des militants de Core in Front, le Syvadec s’est contenté de réaffirmer « tout l’intérêt de cet équipement public, au service d’une gestion durable et autonome des déchets en Corse », une partie de la droite insulaire s’est fortement agacée de la situation. 
 
Dans un communiqué, le groupe Un Soffiu Novu a ainsi tenu à « exprimer (son) soutien indéfectible au maire de Monte et aux élus et agents du SYVADEC face à l’annulation forcée de la pose de la première pierre du centre de surtri prévue ce jour ». « L’irresponsabilité de ceux qui, par le recours à la force et à l’agitation, tentent de mettre en échec un projet crucial pour la gestion des déchets, va à l’encontre des intérêts des Corses », écrivent les élus en soulignant qu’il est « inadmissible qu’une minorité prenne la Corse en otage et bafoue les principes démocratiques fondamentaux ». « Les prises de position politiques et idéologiques contre le projet de CTV de Monte, activistes pour les uns ou passives pour les autres, à l’instar du communiqué de presse du Président du Conseil exécutif, ne sont pas à la hauteur des enjeux », fustigent-ils encore en notant que « la Corse, en proie à une crise chronique des déchets, est victime du manque de courage politique et du non-choix du Conseil exécutif de Corse en matière de traitement des déchets ». « Sans le CTV de Monte, équipement collectif et public, les déchets n’auront bientôt plus d’exutoire ». 
 
De son côté, le sénateur de Corse-du-Sud, Jean-Jacques Panunzi a également condamné cette opération de blocage et a affirmé que le centre de tri et de valorisation de Monte est à ce jour le seul projet « en mesure de répondre aux besoins de la Corse pour le traitement des déchets ». « Ce dossier majeur est depuis des années négligé par une majorité nationaliste sclérosée par des a priori dogmatiques en termes de traitement des déchets. L’activisme de certaines organisations a déjà conduit à la fermeture de Vico et de Tallone. Les capacités d’enfouissement des deux derniers centres existants sont à bout de souffle, surtout celui de Prunelli. Nous sommes tenus par des prescriptions européennes qui nous obligent à écarter l’enfouissement comme seul mode de traitement. Malgré cela, la procrastination et l’irresponsabilité continuent de sévir, laissant les Corses otages de considérations politiques et de modes opératoires affligeants », tance-t-il en en appelant « à la responsabilité de chacun ». Plus loin, il déplore également le « silence assourdissant » de l’État - qui a « accompagné et financé le projet » - dans « cette séquence regrettable ». « C’est incompréhensible et distille un sentiment d’abandon auprès des Corses ».
 
Enfin, le député de la 2ème circonscription de Haute-Corse, François-Xavier Ceccoli a déploré que des « individus, parmi lesquels des militants d’un parti désormais supplétif de la majorité territoriale, (aient) bloqué l’accès au site afin d’imposer leur rejet de la création de cet outil, pourtant inscrit au Plan régional de prévention et de gestion des déchets, voté à une large majorité par l’Assemblée de Corse ». « Ces méthodes en disent long sur la conception du débat démocratique d’un mouvement qui verse de plus en plus dans l’activisme. En s’ajoutant à l’inertie et à la procrastination désormais proverbiales de l’exécutif, particulièrement édifiantes en matière de gestion des déchets, elles condamnent la Corse à un immobilisme mortifère, qui plombe déjà le pouvoir d’achat de ses habitants par les surcoûts qu’il génère, et à un climat de tension incompatible avec la sérénité dont notre île a plus que jamais besoin », a-t-il dénoncé.