Ce vendredi 27 juin, la commune de Bisinchi a posé la première pierre de sa future station d’épuration à Pradale. Un chantier de 1,1 million d’euros, emblématique de la transition écologique dans les zones rurales. Présent sur place, le ministre de l’Action publique Laurent Marcangeli a salué un projet structurant pour le territoire.
À Bisinchi, le chantier lancé ce vendredi prend des allures de bascule historique. « Notre commune entre dans la modernité », lancé avec fierté Pierre Olmeta, maire de la commune, entouré du ministre de l’Action publique Laurent Marcangeli, d’élus insulaires et d’habitants réunis pour la pose symbolique de la première pierre. Avec seulement 200 habitants, ce village de Castagniccia n’échappe pas aux obligations environnementales désormais imposées aux collectivités. Depuis plusieurs années, la commune s’est engagée dans un vaste chantier de mise aux normes de ses infrastructures de traitement des eaux usées. « Aujourd’hui, on lance les travaux de la nouvelle station de Pradale, mais c’est un travail entamé de longue date. Nous avons aussi remis en état récemment une autre station, à l’arrêt depuis plusieurs années », détaille l’édile. Un rattrapage devenu urgent : jusqu’ici, les eaux usées du village se déversaient dans la nature, faute de solution adaptée. « C’est un projet obligatoire pour le développement, mais aussi pour l’environnement », insiste le maire.
Le coût total de la station s’élève à 1,1 million d’euros. Une somme importante, supportée par un financement croisé : État (DETR), Agence de l’eau, Caisse des Dépôts, Comité de Massif et commune. « Un projet pareil, sans soutien politique et économique, on ne peut pas le mener », rappelle Pierre Olmeta. L’Agence de l’eau, partenaire central du projet, finance à elle seule plus de 370 000 euros. « Ce sont des investissements très lourds pour les petites communes rurales. Nous avons mis en place une politique de solidarité en direction des territoires fragiles, et la Corse bénéficie de dispositifs spécifiques », souligne Annick Mièvre, directrice de la délégation PACA. L’organisme public a investi 85 millions d’euros sur l’île entre 2019 et 2024, dont 60 millions pour l’assainissement. « L’impact environnemental est direct : les eaux usées sont une source majeure de pollution urbaine. Ici, à Bisinchi, on agit en amont du Golo. Ce que l’on fait ici a des conséquences jusqu’à la mer », rappelle-t-elle.
Le Comité de Massif participe également à l’effort, à hauteur de 340 000 euros. Pour son président, Jean-Félix Acquaviva, il s’agit d’un investissement stratégique. « On choisit politiquement de faire cet effort de rattrapage pour les territoires ruraux et de montagne. Ici, on parle de réseaux vétustes, datant parfois de 70 ans, sans collecte des eaux usées. Pour passer du XIXe siècle au XXIe, il faut un accompagnement. » Le conseiller exécutif inscrit cette dynamique dans le temps long : « On investit dans l’infrastructure pour permettre à ces territoires d’accueillir à nouveau des habitants, avec du logement, de l’activité agricole, touristique, mais aussi une vie culturelle. »
Ange-Pierre Vivoni, président de l’Association des maires de Corse, alerte pour sa part sur les enjeux à venir. « L’eau et l’assainissement vont devenir une priorité encore plus forte que celle des déchets. Les retenues seront essentielles. On va devoir investir massivement pour que la Corse puisse continuer à se développer. »
Un projet local, un défi national
La visite ministérielle a aussi été l’occasion pour les maires présents d’alerter sur les difficultés concrètes rencontrées dans la mise en œuvre de ce type de projet. Lourdeur des démarches, manque d’ingénierie technique, délais administratifs : autant d’obstacles qui freinent les petites communes dans leurs ambitions d’équipement. Face à ces constats, Laurent Marcangeli, ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification, a rappelé que l’État ne pouvait pas rester passif. « Ces projets sont nécessaires, mais ils restent trop lourds à porter pour les communes rurales. Je travaille actuellement à un projet de loi pour simplifier les démarches, alléger la charge administrative et accompagner plus efficacement les élus », a-t-il déclaré. Le texte, actuellement en préparation, doit être inscrit à l’agenda parlementaire dès la rentrée. Revendiquant une lecture à la fois nationale et insulaire de son action, l’ancien maire d’Ajaccio a assumé la portée politique de son déplacement. « Aujourd’hui, je suis dans mes fonctions ministérielles. Il n’y a pas d’enjeu électoral immédiat pour moi, mais cela ne m’empêche pas d’avoir une lecture insulaire des territoires. Je viens ici rencontrer tous les élus, sans distinction d’étiquette. Certains m’ont soutenu, d’autres non. Je ne fais pas de différence. »
À ses yeux, ces chantiers de proximité doivent aussi être vus comme une traduction concrète de la continuité territoriale. « Accompagner le développement des villages, là où il est le plus nécessaire, c’est aussi cela la mission de l’État », a-t-il conclu.