Pour son sixième ouvrage, l’auteur cap-corsin Philippe Moncho délaisse le roman au profit d’un long poème en quatre temps. Entre méditation sur le vivant, humour discret et mélancolie lucide, il signe un texte sensible, traversé par les éléments, la mer et l’empreinte de l’enfance. « Ouvrez le livre et, tel un coquillage, vous entendrez la mer », confie l'auteur qui était en dédicaces ce samedi 5 juillet dans l'après midi à la librairie Papi à Bastia.
Philippe Moncho, ce nouveau livre marque une rupture avec vos précédents romans. Pourquoi ce changement ?
En effet, ce n’est pas un roman. Ce texte est né d’une nécessité personnelle, d’une envie de penser l’au-delà autrement. C’est un long poème en quatre chapitres, une traversée imaginaire à travers les éléments : la terre, l’air, la mer et le feu. J’ai voulu proposer une réflexion poétique sur le voyage d’une âme, une méditation autour du miroir de la mer.
Quelle est l’origine de cette envie d’écrire sur l’au-delà ?
J’ai été confronté de manière intime à cette question, et j’ai ressenti le besoin de m’inventer un au-delà qui ne soit pas celui des religions monothéistes. Je crois à l’unicité du vivant, à l’idée que tout, dans la nature, fonctionne en cycle. C’est ma conviction : pour les humains aussi, il y a un renouvellement permanent. Mon défi était de partir d’un ressenti personnel pour toucher quelque chose de plus universel.
Ce texte se rapproche-t-il d’un essai philosophique ?
Humblement, je ne me prétends pas philosophe. Mais je ressens une profonde empathie pour les éléments : une branche qui frissonne, une vague sur le sable, le regard d’un animal, une mésange qui me rend visite… Tout cela me touche, comme si nous partagions une même existence. J’ai voulu transmettre ce sentiment d’osmose avec la nature. Et dans le même temps, je porte un regard lucide, parfois dur, sur un monde que je considère en déclin. Le temps passe, je sens le compte à rebours de mon corps, ma fragile appartenance au vivant.
Comment avez-vous structuré ce livre ?
C’est un texte à quatre temps, chaque chapitre étant consacré à un élément. À travers chacun d’eux, je pose un regard sur le monde, entre poésie, humour et parfois tragédie. La mer, par exemple, m’amène à évoquer les migrants – il m’était impossible de parler de la mer sans le faire. L’air, c’est le sirocco, la désertification en Espagne ou en Sicile. J’évoque le changement climatique, non pas comme un scientifique, mais en poète. Pour le feu, c’est une introspection : mon enfance, mes racines catalanes, espagnoles, algériennes et corses. J’évoque mon école à Miomo. La terre, enfin, c’est une réflexion sur le cycle du vivant, à partir de cette phrase biblique : « Tu es poussière, et tu retourneras à la poussière. » Même à ce stade, il y a de la vie. Pour moi, le vivant se recycle. C’est une vision poétique, mais aussi une forme de résilience face aux bouleversements du monde.
Dans ce livre, vous vous dévoilez plus que jamais…
C’est la première fois que je parle de mes parents. Il m’a fallu du temps pour poser un regard apaisé, sans jugement. Ce n’est pas un texte familial, mais une exploration plus universelle de mes origines. La Méditerranée a toujours été là, dans ma famille, dans ma mémoire. Ce texte m’a permis d’approfondir ma quête identitaire. Mes racines, c’est l’enfance, avec cette vue sur l’île d’Elbe depuis Miomo. Ce qui me relie à mes ancêtres, c’est cette mer, le Mare Nostrum, et les allers-retours entre les rives, les départs, les exils.
Et pour la suite, avez-vous déjà un nouveau projet en cours ?
Oui, je travaille actuellement sur un roman de science-fiction, Théia 623, qui paraîtra chez Melmac, un autre éditeur. J’aime explorer des genres différents. C’est essentiel pour moi de découvrir de nouveaux territoires littéraires. La sortie est prévue pour le premier semestre 2026. En parallèle, j’écris aussi un roman historique : Porto Rico 1893. Il s’agit de l’histoire d’un Cap Corsin qui émigre à Porto Rico. Ce roman s’appuie sur des faits réels, ce qui demande un gros travail de documentation pour garantir sa cohérence.
Rencontres et dédicaces de Philippe Moncho :
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Les 2 et 3 août au festival Corsicapolar (Ajaccio)
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Le 27 août à U Punente (Cannelle/Centuri)