À quelques jours de la journée nationale de réflexion sur le don d'organes et la greffe, la commune de San Martino di Lota devient ville ambassadrice du don d’organes. Un engagement fort pour sensibiliser les habitants, incarné par le témoignage d’Anne-Charlotte Santelli, greffée des poumons il y a treize ans.

Anne-Charlotte Santelli et Marie-Hélène Padovani, maire de San Martino di Lota, de part et d'autre du panneau posé vendredi matin.Crédit : Facebook / San Martino di Lota
À quelques jours de la journée nationale de réflexion sur le don d'organes et la greffe, qui a lieu le 22 juin, la commune de San Martino di Lota est devenue ce vendredi “ville ambassadrice du don d’organes”. Une action qui s’est traduite par la pose par la municipalité présidée par Marie-Hélène Padovani, d’un panneau à l’entrée de la commune, en présence d’Anne-Charlotte Santelli, greffée des poumons à l’âge de 24 ans.
“Si je n’avais pas été greffée, je serais décédée il y a treize ans ” rappelle t-elle non sans émotion. “Je suis atteinte de mucoviscidose. À l’époque, il n’y avait pas les traitements qui existent aujourd’hui. On savait que la seule issue, c’était la greffe.” Pendant plusieurs années, elle parvient à maintenir une vie relativement normale. “Quand j'étais enfant, j'allais à l'école normalement, je faisais de la danse. Après, au collège et au lycée, j’avais de temps en temps des cures de perfusion d'antibiotiques ou des séjours à l'hôpital, mais espacés et qui permettaient de reprendre une vie classique entre-temps.”
À l’âge adulte, la situation se dégrade de plus en plus, à cause d’une maladie qui touche principalement les voies respiratoires et digestives. “Ça a été une dégradation lente et progressive, mais la dernière année avant la greffe, j’étais perfusée en permanence pour recevoir des antibiotiques, parce que mes poumons s’infectaient tout le temps. J’étais reliée à des tuyaux d'oxygène, et j'étais tellement faible que je n'arrivais plus à m'alimenter toute seule. J'étais très maigre, et je ne pouvais pas non plus prendre ma douche toute seule. À la fin, les soins étaient uniquement destinés à me maintenir en vie, en attendant la greffe.”
Elle entre alors dans un protocole d’urgence, et elle est inscrite sur la liste dite de super urgence. “J’ai attendu une greffe pendant sept mois, et j'ai été greffée en super urgence : c'est une liste spéciale où on est prioritaire sur tout le monde. Les médecins nous mettent sur la liste de super urgence quand ils estiment qu'on n’a plus que sept jours à vivre, et qu’on ne pourra pas attendre plus longtemps.” La greffe a lieu à Marseille, à l’hôpital Nord. Aujourd’hui, Anne-Charlotte continue d’être suivie médicalement. Elle prend un traitement quotidien, mais elle a retrouvé une autonomie qui n'était plus possible avant. “Ma vie a changé du tout au tout. Je respire sans tuyau, je n’ai plus besoin d'être sous perfusion. J’ai repris mes études juste après ma greffe. Je peux à nouveau sortir, prendre l'air, manger au restaurant, partir en voyage… des choses qui paraissent assez simples, mais qu’on ne peut plus faire avant la greffe.”
“Une personne décédée peut sauver jusqu’à sept vies”
Depuis sa greffe, Anne-Charlotte s’est engagée dans la sensibilisation au don d’organes. Elle est membre de l’association Grégory Lemarchal, qui fait partie du collectif Greffe +, regroupant plusieurs structures autour du don d’organes et des greffes. “J’étais déjà engagée avant ma greffe parce que ça concernait ma pathologie. Aujourd’hui, j’ai beaucoup plus d'énergie, et je peux m'y consacrer davantage.” C’est dans ce cadre qu’elle a proposé à la commune de San Martino di Lota de rejoindre le programme des villes et villages ambassadeurs du don d'organes, initié en 2023. “Quand ce projet de villes ambassadrices a démarré, j'y ai adhéré naturellement, et j’essaie de faire ce que je peux à mon niveau. Le but, c'est de promouvoir le don d’organes au sein de sa commune et de ses administrés. Le point de départ, c’est la pose de la plaque, puisque les gens qui passent ici vont la voir. Ça peut ouvrir une discussion, et je suis prête à répondre à toutes les interrogations des habitants.”
À ses yeux, informer est essentiel, notamment pour déconstruire certaines idées reçues. “Il n’y a pas d'âge limite pour être donneur, et il n'y a pas non plus de conditions de santé à respecter. Pour être donneur, il faut être en état de mort encéphalique, autrement dit de mort cérébrale, mais c’est très rare, ça ne représente que 1 % des décès à l’hôpital.” Elle insiste sur un point central : la loi considère aujourd’hui chaque personne comme donneuse par défaut, sauf si elle a exprimé un refus de son vivant, par écrit ou auprès de ses proches. “On peut s’inscrire sur le registre national des refus, mais une phrase orale à sa famille suffit. Si un patient n’est pas inscrit sur le registre, les médecins vont alors interroger les proches.”
Pour Anne-Charlotte, il est très important pour chaque personne d’avoir ce dialogue avec ses proches. “Quand les gens n’ont jamais parlé du don d’organes, c'est beaucoup plus difficile pour les proches de se prononcer, alors que s'ils en avaient parlé, ça aurait été plus simple de prendre une décision. Malheureusement, ils doivent choisir rapidement, on n’a pas énormément de temps pour réfléchir.” Selon elle, le projet des villes ambassadrices permet de faire naître ce dialogue au sein des familles. “J'espère que ça va ouvrir des dialogues, que les gens vont profiter de voir ce panneau pour se poser la question, pour en parler à leurs proches, pour dire si oui ou non ils sont pour ou pas.”
Si elle reconnaît que certaines personnes restent mal à l’aise avec l’idée d’aborder le sujet du don d’organes, souvent associé à la mort, elle déclare qu’elle souhaite faire évoluer le débat. “J’essaie de parler de la vie, parce qu’une personne décédée peut sauver jusqu'à sept vies. C'est sûr que, dans un moment de choc et de deuil, ce n’est pas forcément ce qu'on va voir en premier, mais si on peut montrer aux gens que sept personnes peuvent vivre grâce à un don, je trouve ça super. Quand on attend une greffe, on espère qu’une famille va dire oui, c’est pour ça qu’il est important de témoigner, pour rendre les choses un peu plus concrètes aussi. Aujourd’hui, je suis reconnaissante du don que j’ai reçu, et ma façon de remercier le donneur, c’est de promouvoir le don d’organes, et de parler de toutes les vies qu’il y a après.”