Ce qui va changer pour l’AOP Brocciu

Rédigé le 03/08/2025
Maria-Serena Volpei-Aliotti

Ce mardi 30 juillet, les producteurs de Haute-Corse étaient conviés aux deux dernières réunions d’information organisées par l’AOP Brocciu, à Lisula dans la matinée puis à Calinzana l’après-midi. Objectif : présenter les modifications envisagées du cahier des charges de production du brocciu, et échanger avec les professionnels sur leurs pratiques, dans un esprit de concertation.

« Nous sommes aujourd’hui à la neuvième et dernière réunion d’information. Il fallait rencontrer les producteurs pour leur expliquer pourquoi et comment nous devons modifier le cahier des charges. L’AOP est en manquement depuis des années, notamment sur l’alimentation des troupeaux. Nous avons été identifiés en non-conformité dès 2014. Il fallait réagir », a déclaré Aurélia Sabiani, présidente de l’AOP Brocciu.
Ces rencontres ont aussi mis en lumière le manque de lisibilité du cahier des charges actuel : « Beaucoup d’éleveurs ne le connaissaient même pas vraiment. Il était urgent de le clarifier, de l’adapter aux pratiques réelles, et surtout de construire collectivement un socle commun », a-t-elle poursuivi.
Parmi les évolutions majeures envisagées, figure la reconnaissance du parcours et du maquis comme ressource alimentaire : « Jusque-là, ce que mangent les bêtes sur le terrain, qui est pourtant l’essence même de l’élevage corse, n’était pas pris en compte. Désormais, on veut valoriser cette autonomie fourragère, faire la part entre ce que l’animal consomme sur place et ce qui est apporté de l’extérieur », a précisé Aurélia Sabiani.
Autre point sensible : le temps entre la traite et la transformation du lait. Le cahier des charges actuel impose un délai de 40 heures. « Ce délai ne correspond plus aux pratiques. Les producteurs fermiers, qui transforment eux-mêmes leur lait, pourront aller jusqu’à 48 heures. Pour les laitiers, un délai de 72 heures est envisagé, sous conditions strictes », a-t-elle concédé.



Ajustements et réactions 
Des ajustements qui suscitent des réactions. Présents à Calenzana, M. et Mme Acquaviva, producteurs, se disent préoccupés : « Si le brocciu est fait avec du lait de trois jours, ce n’est pas le même produit que le nôtre, celui qu’on fabrique tous les matins avec du lait frais. Ce ne serait pas équitable qu’on ait tous l’appellation alors que les pratiques sont si différentes », souligne Mme Acquaviva, appuyée par son mari : « On comprend qu’il faut s’adapter, mais ce serait bien que cette différenciation soit précisée. Peut-être qu’un brocciu fermier et un brocciu laitier devraient porter des mentions distinctes. »
Une position partagée par d’autres participants. Une éleveuse de brebis de Balagne insiste : « Il faut un cahier des charges clair, lisible, qui structure les choses pour tout le monde. Tant qu’on sait où on va, tout le monde peut y trouver sa place. »
Sur cette question, la présidente de l’AOP se montre ouverte : « Il ressort de ces réunions une volonté de différencier les produits, sans les opposer. On ne parle pas de séparer, mais de reconnaître deux pratiques légitimes, avec des exigences et des contrôles adaptés. »
Parmi les autres évolutions prévues figure l’intégration des faisselles de 500 g, désormais largement utilisées dans la filière. « Ce n’était pas prévu dans l’ancien cahier des charges. Aujourd’hui, que ce soit chez les fermiers ou chez les laitiers, tout le monde s’en sert. Il faut être réaliste », note la présidente.
De même, les différentes déclinaisons du brocciu – passu, salitu ou sec – seront enfin prises en compte. « Le cahier actuel parle uniquement de brocciu sans distinguer les variantes. Or, ces produits existent, ils sont dégustés, analysés, appréciés. Il faut pouvoir les décrire et les intégrer. »
L’INAO, autorité de tutelle des AOP, tolère actuellement les écarts au cahier des charges, en raison de la phase de refonte engagée. « Mais cette situation ne pourra pas durer éternellement. Il faut que tout soit finalisé avant le 31 décembre 2025 », rappelle Aurélia Sabiani. Une commission d’enquête statuera ensuite sur la pertinence des modifications, avant validation par l’INAO, puis par Bruxelles.
« Nous avons voulu ces réunions pour expliquer, dialoguer, entendre les craintes, les besoins, les réalités de chacun. C’est ainsi qu’on construira une AOP fidèle à son territoire, à ses producteurs, et à ce que les consommateurs attendent du brocciu », conclut-elle.