Élu président du syndicat des buralistes corses le 5 octobre dernier à Aléria, Christian Croquelois prend la suite de José Oliva, après neuf années de mandat. Fort de 30 ans de métier, il entend poursuivre les transformations engagées tout en défendant un réseau fragilisé par la hausse des prix, la concurrence transfrontalière et la désertification des zones rurales.
Élu à la tête du syndicat des buralistes corses lors de l’assemblée générale du 5 octobre dernier à Aleria, Christian Croquelois succède à José Oliva, qui aura assuré la présidence pendant neuf ans. Entré dans la profession en 1993 comme salarié, il saisit l’opportunité il y a 15 ans de monter sa propre affaire à Ajaccio. Aujourd’hui, fort de cette expérience de terrain, il entend défendre un réseau en mutation, confronté à de nombreux défis, mais animé d’une volonté de se réinventer. 
   
 
- Vous avez été élu président du syndicat des buralistes corses le 5 octobre. Quelles seront vos priorités à la tête du syndicat ? 
 
- Ma priorité, c’est d’abord de poursuivre ce qui a déjà été engagé par le passé sur le plan fiscal, car on peut encore aller plus loin là-dessus. Mais un autre enjeu essentiel, c’est de préserver la relation que nous entretenons avec nos partenaires commerciaux, comme la Française des Jeux ou le PMU. Nous devons veiller à limiter l’impact de la création de nouveaux points de vente, qui pourrait fragiliser les établissements déjà en place. En Corse, on a la chance d’avoir des interlocuteurs à l’écoute, avec qui le dialogue est constructif, et l’important, c'est de ne pas mettre encore plus en difficulté les entreprises existantes. 
   
 
-Le paquet de cigarettes coûte 12,40 € depuis le 1er janvier, avec l’idée d’un alignement complet avec le continent d’ici 2026. Quel regard portez-vous sur cette trajectoire ? 
 
- Depuis 2018, nous avons connu un rattrapage progressif avec le continent, à raison d’environ 5 % par an. Aujourd’hui, cet écart reste stable, autour de 5 %, et notre priorité absolue est de pouvoir le conserver. Nous avions eu des accords verbaux avec la dernière ministre de l’Économie, que mon prédécesseur avait pu rencontrer l’été dernier, avec le soutien de la Confédération nationale des buralistes. Malheureusement, avec la "stabilité" actuelle du gouvernement, nous ne savons pas si ces promesses seront tenues. C’est sur ça que je dois me battre avant la fin de l'année pour éviter une nouvelle forme de double peine comme par le passé avec le rattrapage de l’écart avec le continent et l'augmentation des prix, qui représente un rattrapage important, également pour notre clientèle. 
   
 
- Craignez-vous une augmentation des achats hors circuit légal, ou une intensification du marché parallèle ? 
 
- Oui, mais malheureusement, cette situation est déjà une réalité en Corse. En 2025, nous enregistrons une baisse de près de 15 % du volume tabac, ce qui est colossal. Nous ne sommes plus que 200 buralistes, et on voit apparaître ce phénomène qu’on ne constatait pas auparavant. L’écart de prix avec l’Italie, notamment la Sardaigne, toute proche, est un facteur clé. Quand un paquet de cigarettes coûte 6 € ou 6,40 € là-bas, contre 12 € chez nous, c’est du simple au double. Alors, ce ne sont pas des trafics d'envergure, mais ça va être un membre de la famille ou un ami qui revient d’un week-end avec quelques cartouches pour ses proches. On constate aussi que certains ouvriers étrangers, souvent livrés en produits de leur pays, en profitent pour faire venir du tabac. Ce n’est pas illégal, ce n’est pas du trafic au sens strict, mais ça nuit clairement à l’économie locale. 
   
 
- Comment se porte aujourd’hui le réseau des buralistes en Corse ? 
 
- Le réseau est en recul, c’est indéniable. Il y a dix ans, nous étions plus de 240 buralistes, mais aujourd’hui, nous ne sommes plus que 207. Cela touche principalement les zones rurales, et c’est là que le combat est le plus important. Il est essentiel de préserver ces points de vente isolés, qui jouent un rôle bien plus large que la simple vente de tabac. Dans certains villages, le buraliste est souvent le dernier commerce de proximité, où on propose une multitude de services. Aujourd'hui on regrette que la plupart des fermetures aient lieu dans des endroits reculés, soit par manque de successeurs, soit par arrêt de l'activité. 
   
 
- Comment peut-on protéger et accompagner l’activité des buralistes aujourd’hui ? 
 
- Il n’y a pas de baguette magique, malheureusement. Mais la première chose, et c’est un message que je veux aussi adresser à nos adhérents, c’est de ne pas rester isolés. Il existe des dispositifs, des accompagnements, des aides, mais il faut les connaître. Nous, en tant qu’organisation, notre rôle, c’est justement de conseiller, de protéger, d’informer. Être buraliste en Corse, c’est un métier exigeant, et c’est justement pour ça qu’il est essentiel de renforcer la solidarité et l’accès à l’information. 
   
 
- Plus largement, quel avenir imaginez-vous pour votre profession en Corse ? 
 
- Actuellement, c’est vrai que c’est assez difficile, parce qu'on voit l'évolution. Je n’ai jamais été vraiment inquiet pendant les années où j'ai travaillé, mais c’est vrai que c’est plus compliqué depuis trois ou quatre ans. Par contre, et c'est une vraie richesse, on fait partie des premières régions en France à avoir bénéficié du fonds de transformation qui nous a permis de rénover nos commerces. En plus, on a la chance d’avoir des entrepreneurs dynamiques qui se remettent en question. Il y a une vraie motivation à continuer à travailler et c'est sur ça qu'il faut insister. Il faut continuer à progresser, prendre des risques, mais je pense qu’il y a encore de l'avenir dans le métier. 
 


