À Albitreccia, l’association Per una Corsica pulita è rispettata fustige un projet immobilier « monstrueux », le promoteur s'en défend

Rédigé le 16/05/2025
MP

Ce jeudi matin, la jeune association qui entend s'opposer à la bétonisation de la Corse organisait un rassemblement à Albitreccia, lieu-dit Bonza, afin de dénoncer le permis de construire accordé à un projet immobilier d'envergure, qu'elle estime "contraire à toute logique de préservation environnementale". Le porteur du projet affirme pour sa part que les arguments avancés par l'association sont fallacieux

À Albitreccia, l’association Per una Corsica pulita è rispettata fustige un projet immobilier « monstrueux », le promoteur s'en défend

Le permis de construire contesté a été accordé à une société de promotion immobilière insulaire, sur les hauteurs d'Agosta plage à Albitreccia (Photo: Google Maps)

« Un projet démentiel et monstrueux ». Dominique Agostini ne décolère pas depuis qu’il a découvert il y a quelques jours le permis de construire accordé par la mairie d’Albitreccia à une société de promotion immobilière installée à Porticcio, sur un terrain du lieu-dit Bonza. Afin de dénoncer ce projet, aux côtés de son association, Per una Corsica pulita è rispettata, il organisait un rassemblement sur site ce jeudi matin, auquel une quarantaine de personnes dont de nombreux riverains ont pris part. « Nous sommes des lanceurs d’alerte. Notre association a un an d’existence et vise principalement à lutter contre la bétonisation de la Corse », indique-t-il en rappelant qu’il y a quelques mois la structure avait lancé une pétition pour dire non à la bétonisation de l’île, qui compte aujourd’hui quelque 20 000 signatures. 
 
« Nous n’avons pas les moyens d’attaquer les permis de construire, comme peuvent le faire U Levante ou Le Garde, mais nous sommes là pour attirer l’attention des préfets qui sont responsables du contrôle de légalité des permis de construire », ajoute le président de l’association. Dans ce droit fil, début mai, la vice-présidente de l’organisation a découvert ce permis de construire accordé sur les hauteurs d’Agosta plage à Albitreccia pour un projet d’envergure que Per una Corsica pulita è rispettata estime « disproportionné », « contraire à toute logique de préservation environnementale », et venant « aggraver encore la bétonisation massive du secteur du golfe d’Ajaccio », le tout sur une commune dépourvue de Plan Local d’Urbanisme. « La superficie totale du permis de construire couvre environ 18 hectares. Il y aurait 11 unités constructibles dont un bâtiment collectif de logements dits sociaux, une résidence senior de 30 logements, une résidence de tourisme avec 42 à 50 logements, des locaux bruts à destination de commerces, un club de padel avec trois terrains de jeux, et un restaurant. Cela va faire une masse bétonnée gigantesque. On va ravager toute la colline, esquinter tout le maquis et en plus il y a une étude d’impact environnementale qui est négative parce que le site abrite des espèces protégées comme des tortues d’Hermann, des fauvettes pitchou ou des sérapias négligés », fustige Dominique Agostini en insistant : « C’est un projet monstrueux quand on imagine l’impact qu’il va avoir sur ces 18 hectares de maquis. On ne peut pas permettre cela ! On ne construit pas l’avenir sur la ruine de notre environnement ». 
 
Au-delà de l’action symbolique de ce jour, le président de Per una Corsica pulita è rispettata a d’ores et déjà annoncé que son association a saisi le préfet de Corse-du-Sud et la ministre de l’Environnement en espérant pouvoir mettre un coup d’arrêt à ce projet. « Il va sans doute aussi y avoir des recours contre ce permis de construire faits par des personnes qui ont un intérêt à agir, mais aussi, je pense, par U Levante », ajoute-t-il. Sur son site Internet, l’association de défense de l’environnement se positionne d’ailleurs contre ce projet « situé dans les espaces proches du rivage, détruira 18 hectares d’espaces naturels en discontinuité totale de tout village ou agglomération ». « U Levante a alerté la Commission Territoriale de Protection des Espaces Naturels Agricoles et Forestiers (CTPENAF) qui aurait dû examiner ce dossier et rendre un avis avant la délivrance du permis de construire. Mais le maire d’Albitreccia s’est passé de cette formalité administrative pourtant obligatoire et le permis a été donné », écrit l’association en ajoutant constater « une fois encore que ce sont les citoyens qui se mobilisent pour protéger leur terre et qui sont en première ligne face aux promoteurs immobiliers alors qu’une simple application de la loi par le maire et les services du contrôle de légalité aurait suffi pour que ce projet ne voit pas le jour ».

Le porteur de la société immobilière défend un projet qui correspond à des « besoins réels et identifiés »
 
Face à cette mobilisation, le président de la société Campà qui porte le projet regrette de n’avoir pu discuter avec le président de Per una Corsica pulita è rispetatta. « Dès leurs premières publications sur Facebook, j’ai voulu leur donner des éléments objectifs importants mais ils n’ont pas donné suite à mes sollicitations. L’association communique sur le fait que le projet couvrirait 18 hectares, or c’est complètement faux. S’ils avaient consulté le permis de construire ils auraient pu voir que le projet ne couvre pas du tout cette surface, mais a une emprise réelle de 1,56 hectares et une emprise au sol des bâtiments de 5680 m2, le tout sur une parcelle que nous allons acheter qui va faire 2,50 hectares », tient-il à rectifier en expliquant que les quelques 18 hectares évoqués par l’association correspondent en fait à l’unité foncière avant division, une mention réglementaire appelée « division primaire ». « Le projet n’a jamais fait 18 hectares. C’est une hérésie de dire cela. Le reste du terrain ne sera jamais à moi et restera à l’état de nature », appuie-t-il. 
 
Par ailleurs, il souligne qu’aux prémices du projet, une étude écologique et environnementale a été réalisée par un bureau indépendant. « Pour ne pas détruire d’espèces protégées, notamment les sérapias négligés qui sont une espèce d’orchidées qui poussent naturellement sur le site, j’ai déplacé mon projet pour les éviter », indique-t-il en déroulant : « Ainsi, l’association détourne par exemple les conclusions de l’étude environnementale réalisée par un bureau d’études techniques indépendant, qui a conduit la DREAL à dispenser la société Campà de mesures de compensation, précisément en raison de l’application du principe d’évitement. Elle présente ce même document comme la preuve que le projet entraînerait la destruction d’espèces protégées, alors même que celles-ci ont fait l’objet d’un repérage et de mesures spécifiques de préservation ».
 
 Dans ce droit fil, le porteur du projet relève que le volet environnemental « a été validé par arrêté préfectoral en février 2024 sans opposition ». « L’architecture a été pensée pour s’intégrer au site avec des gabarits maîtrisés, un traitement paysager qualitatif, des matériaux sobres et respectueux de l’environnement naturel »,avance-t-il encore, « Deux architectes conseils de l’État se sont d’ailleurs prononcés sur ce projet et ont donné leur feu vert, avec chacun des exigences particulières. Nous ne sommes pas sur des constructions hautes, on a un déblai remblai neutre, nous n’avons pas de bassin de rétention car nous avons fait attention à avoir des noues filtrantes pour récupérer les eaux. J’ai aussi fait travailler un architecte paysagiste sur le projet pour pas que ce soit conçu n’importe comment ». En outre, le président de la société Campà affirme que son projet répond à des « besoins réels et identifiés » sur la commune et ajoute qu’il prévoit aussi une zone agricole destinée à l’installation d’un jeune exploitant. 
 
En parallèle, il regrette que la mobilisation de l’association commence à produire des effets concrets. « Le panneau d’affichage du permis a été vandalisé ce week-end avec un tag « FLNC VITE ». Une plainte a été déposée à la gendarmerie du Ruppione. Cet acte de malveillance me semble directement lié à l’atmosphère tendue et anxiogène entretenue par des publications fallacieuses. Par ailleurs, plusieurs messages publiés sur les réseaux sociaux pour apporter des éléments objectifs ont été systématiquement supprimés par le gestionnaire de la page « Non à la bétonisation ». Cette modération sélective vise manifestement à ne laisser paraître que des chiffres fantaisistes et des affirmations erronées, excluant toute contradiction ou mise au point sérieuse », déplore-t-il ainsi.