Ils vont jouer pour le Pape François : à Ajaccio, les organistes de la cathédrale se préparent

Rédigé le 03/12/2024
Manon Perelli

Le 15 décembre prochain, le père Joseph Fini, le titulaire de l’orgue de la cathédrale d’Ajaccio, et ses deux adjoints, Pascal Le Dervouët et Michel Appietto, seront chargés de jouer durant deux moments importants de cet évènement historique. Un immense honneur pour ces musiciens passionnés qui confient leur émotion et leur fierté

Peu de gens ont la chance de gravir l’étroit escalier en colimaçon discrètement installé au revers du portail de la cathédrale d’Ajaccio. Cette volée d’une petite trentaine de marches, le père Joseph Fini, 78 ans, la connait par cœur. Depuis 41 ans, le religieux qui a appris l’orgue à l’âge de 15 ans fait en effet résonner les tuyaux de l’imposant instrument de Santa Maria Assunta. C’est depuis ce perchoir privilégié que le titulaire de l’orgue disposera d’une vue unique sur le Pape François le 15 décembre prochain, à l’occasion de sa visite dans la cité impériale, aux côtés de ses deux adjoints : Pascal Le Dervouët, professeur et pianiste accompagnateur au conservatoire de musique Henri Tomasi depuis 33 ans et Michel Appietto, avocat qui met régulièrement ses compétences au service de l’Église. 
 
Si les trois hommes ont l’habitude de jouer pour les messes et pour les célébrations plus ou moins importantes qui rythment la vie ajaccienne, ils seront cette fois des acteurs importants d’un évènement unique dans une vie. Même si le père Fini l’assure, « toutes les célébrations sont uniques ». « On a toujours deux objectifs quand on joue : à la fois exprimer ce que l’assemblée ressent, la joie si c’est une célébration heureuse, ou la souffrance si c’est un enterrement, mais on joue aussi toujours pour élever les personnes au-dessus de leur situation. C’est peut-être le propre de l’orgue. La musique d’orgue a un aspect élévateur, il exprime les émotions et les élève. On joue à la fois pour l’assemblée et pour Dieu », explique-t-il. « L’orgue est l’âme de la liturgie catholique depuis des siècles », insiste de son côté Michel Appietto.
 
Installé en 1846 par Aristide Cavaillé-Coll, l’un des facteurs d’orgues les plus importants du XIXème siècle en France, celui de la cathédrale d’Ajaccio lui fût offert par le roi des Français, Louis-Philippe Ier. « Il a encore beaucoup des caractéristiques qui étaient les siennes à son origine, même s’il a subi quelques transformations pour être aidé par des transmissions électriques et électroniques », souligne le père Fini en précisant : « Mais la sonorité telle que nous l’avons correspond à ce que l’on appelait au milieu du XIXème siècle le summum de l’orgue, c’est-à-dire l’orgue symphonique qui est censé donner une palette sonore aussi riche que celle d’un orchestre ». 
 
« Une consécration ultime »
 
Une caractéristique qui rend les orgues difficiles à dompter. « C’est un instrument imprévisible. Il faut être irréprochable car la moindre fausse note s’entend. Et puis le célébrant peut décider de faire ce qu’il veut pendant une messe donc il faut savoir réagir et suivre », indique Pascal Le Dervouët. Le professeur de musique, qui a suivi des études de pianistique au conservatoire de Nice confie être venu à l’orgue par passion. « Déjà durant mes études j’ai toujours été attiré par la facture d’orgue. Et puis, au cours d’une messe de Pâques en 1990, j’ai entendu l’orgue de la cathédrale d’Ajaccio. J’ai été rendre visite au titulaire et cela a matché tout de suite », se souvient-il. Depuis, il se partage les célébrations avec le titulaire de l’orgue de la cathédrale. Une passion cet instrument majestueux qu’ils ont à leur tour su transmettre à Michel Appietto. 
 
Récompense inattendue de leur engagement au service de l’Église, les trois organistes auront l’immense honneur de se relayer pour interpréter les pièces qui accompagneront le Pape dans deux moments phares de la journée. À commencer bien sûr par son passage à la cathédrale. « Nous y joueront des chants traditionnels de la cathédrale, comme Ô Mère de Miséricorde, le chant traditionnel d’Ajaccio, et Chez nous soyez Reine. Ce sont des chants qui s’imposent », dévoile Michel Appietto. 
 
Pour la messe au Casone, les trois musiciens avouent toutefois ne pas savoir encore de quel instrument ils joueront. « Nous en sommes à chercher les instruments qui vont pouvoir convenir le mieux pour pouvoir donner à la fois une ambiance sonore convenable à une assemblée qui va être grande et en plein air, sans non plus l’écraser », détaille le père Fini. « Quoi qu’il en soit, nous jouerons une pièce d’entrée quand le Pape arrive, et ensuite ce sera des cantiques interprétés par une chorale interdiocésaine. Beaucoup de chanteurs des confréries assureront aussi les chants de la messe sans orgue », précise Michel Appietto.
 
« C’est une grande émotion et une fierté de jouer pour le Pape », se réjouit pour sa part Pascal Le Dervouët, « J’apprécie la confiance qu’on nous fait à tous les trois d’être au service de l’Église et de la communauté. C’est très gratifiant pour un musicien, c’est une consécration ultime ».