Vers des quotas de navigation dans la réserve de Scandola ?

Rédigé le 17/05/2025
Manon Perelli

Les conclusions de l'enquête publique portant sur le projet de révision du décret de création de la réserve ont été présentées ce jeudi, à l'occasion d'une réunion qui s'est tenue à la préfecture de Corse, à Ajaccio. Au travers d’un document d’une trentaine de pages, les enquêteurs rendent un avis globalement favorable au projet, tout en recommandant des ajustements sur les restrictions de navigation initialement prévues. Une position qui satisfait le président de l'OEC.

Afin d’endiguer le déclin général de la biodiversité fragile de la réserve de Scandola constaté depuis quelques années, l’État a décidé d’agir en renforçant la protection du patrimoine naturel. Pour ce faire, une procédure de révision du décret de création de la réserve a été lancée en 2021 et devrait aboutir d’ici la fin de l’année. Un premier projet de révision présenté par l’État en début d’année a ainsi été soumis à enquête publique du 8 janvier au 12 février dernier. Ce jeudi, une réunion était organisée à la préfecture de Corse à Ajaccio afin d’en restituer les conclusions. 
 
Dans un document de 33 pages - mis à disposition du public sur le site Internet  de la préfecture de Corse-du-Sud - les enquêteurs indiquent tout d’abord que l’enquête a généré « 564 observations (dont un courrier, 7 observations orales, 11 observations écrites sur le registre papier et 545 par voie dématérialisée) faisant suite à 13 visiteurs in situ et 7217 visiteurs via le site dématérialisé ». Ils émettent par ailleurs un avis favorable au projet de révision du décret de la réserve naturelle de Scandola sous réserve de modifier quelque peu l’article 4, qui prévoyait une interdiction totale de la navigation dans la zone de protection intégrale et une interdiction de circulation entre le 15 février et le 31 août, période de reproduction du balbuzard pêcheur, dans les zones de protection renforcée. Alors que le principe de libre navigation était jusqu’ici de mise dans la réserve, cette proposition avait recueilli l’assentiment des associations de défense de l’environnement, mais suscité l’ire de l’ensemble des socio-professionnels, qui avaient fustigé une « mise sous cloche » de la réserve. Les maires des cinq communes que couvre la réserve s’étaient également positionnés contre cette partie du texte. 
 
« La commission note qu’il ne s’agit pas de régulation dans ces deux zones mais d’interdiction. Or c’est la concentration de la fréquentation sur des lieux restreints et écologiquement sensibles, doublée de pics intenses de visite pendant la saison touristique, qui inquiète les gestionnaires d’espaces protégés », écrivent de leur côté les enquêteurs en relevant : « Si ces deux interdictions permettent de supprimer de manière définitive les pressions de l’afflux d’embarcations, elles n’apparaissent pas suffisantes à la commission d’enquête pour diminuer la pression du nombre des embarcations sur l’ensemble de la réserve de Scandola notamment comme attendu par l’UNESCO et le CNPN, avec même un risque d’augmenter la concentration sur le reste de la réserve. Seule la mise en place de quotas et de licences (licences avec un esprit de label comme existant dans le Parc National des Calanques), nous semble permettre d’atteindre cet objectif de diminution de la pression anthropique sur l’ensemble de la réserve ».
 
Ainsi, l’enquête publique préconise une « dérogation de circulation » à la fois dans la zone de protection intégrale, mais aussi dans les zones de protection renforcée « dès lors que les nids de balbuzards pêcheurs ne sont pas occupés à la fin de la période d’installation possible des couples de cette espèce », le tout grâce à un arrêté préfectoral « qui fixerait après avis du comité consultatif de la réserve les conditions dans lesquelles cette circulation s’exercerait notamment en ce qui concerne le nombre maximal de dérogations (quota) avec une liste des embarcations bénéficiaires des dérogations (licence/label/charte) par arrêté préfectoral ». 
 
Pour rappel, lors de la session de février, l’Assemblée de Corse s’était également prononcée contre ce projet de révision du décret de création de la réserve, justement à cause de ces interdictions de navigation jugées trop restrictives. « Les conclusions de la commission d’enquête me semblent légitimes. Elle émet un avis favorable que l’on souhaitait pour ne pas avoir à remettre en cause le décret, puisque nous étions d’accord à 80% avec ce qui avait été écrit. La partie sur laquelle nous n’étions pas d’accord sur l’article 4 est modifiée. La commission d’enquête nous a entendus et a compris quelle était notre position et comment nous souhaitions articuler le devenir de la réserve de Scandola, en essayant de faire cohabiter les socio-professionnels, l’aspect économique, de plaisance et de loisirs, avec le cadre environnemental », se réjouit aujourd’hui Guy Armanet, le président de l’Office de l’Environnement de la Corse, en tenant à saluer le travail des enquêteurs. « C’est un point qui est rassurant pour tout le monde. On rentre dans une logique de licences, de quotas, ce que nous avions déjà préconisé avant même l’enquête publique, mais qui n’avait pas été retenu. C’est bien que l’on ait cette souplesse qui puisse s’insérer dans le décret et qui permette à tous de travailler dans le bon sens », insiste-t-il, « Maintenant il faut continuer à travailler pour que chacun puisse y trouver son compte et que le cadre environnemental soit strictement respecté ».
 
Dans cette optique, le président de l’OEC appelle à s’appuyer sur l’exemple de la gestion de la réserve naturelle des Bouches de Bonifacio. « Nous avons le plus beau des modèles car nous avons été cités en exemple par les comités scientifiques. Je crois qu’il faut un peu de temps au temps, mais l’objectif c’est d’essayer de faire aussi bien si ce n’est mieux qu’à Bonifacio et de construire les choses », pose-t-il alors que l’OEC travaille actuellement à la création de la réserve naturelle de Corse du golfe de Porto  qui engloberait l’actuelle réserve de Scandola et qui devrait permettre de mieux réguler la fréquentation du secteur. 
 
« Une réunion de concertation s’est tenue les 6 et 7 mai à Porto. Nous avions préalablement rencontré tous les maires pour arrêter le périmètre de la future réserve et rencontré tous les acteurs de terrain », indique Guy Armanet en ajoutant : « Nous avons fortement avancé sur les quotas et les licences, nous avons commencé à poser les jalons de ce que devra être demain la future réserve naturelle de Corse au droit de Scandola ». Une prochaine réunion est prévue le 13 juin à Osani « pour continuer le travail, commencer à déterminer quels vont être les arrêtés de circulation, les arrêtés de pêche, les permis de pêche de loisir ». « Il faut continuer à travailler sérieusement sur le sujet, mais les choses nous permettent d’envisager la suite de manière favorable », assure encore le président de l’OEC.