Pour contenir le surtourisme, la Corse peut-elle s'inspirer de ce qui se fait ailleurs ?

Rédigé le 17/11/2025
Julien Castelli

Ce lundi 17 novembre, Portivechju a accueilli les Ateliers du tourisme durable, espace culturel Jean-Paul de Rocca-Serra. Au centre des discussions de cette 5e édition : la problématique de la surfréquentation touristique. Elle se pose en Corse, comme ailleurs dans le monde et avec tout autant d’acuité. Des intervenants d’Ardèche, des Baléares et même de Nouvelle-Zélande ont apporté un éclairage sur les politiques menées à leur échelle pour l’endiguer. De quoi s’en inspirer ?

A gauche, le professeur espagnol de géographie, Miguel Segui Llinas, est venu présenter les mesures mises en place aux îles Baléares pour contenir la surfréquentation touristique.

« N’essayez aucune comparaison entre la Corse et les Baléares, c’est impossible » a prévenu d’emblée Miguel Ségui Llinas. Ce docteur en géographie, professeur émérite de l’université des îles Baléares, n’a pas fait le déplacement à Portivechju pour promouvoir les politiques menées chez lui, mais pour apporter un éclairage factuel de ce qui a été entrepris. Les Baléares ont accueilli deux fois plus de touristes que la Corse en 2024 (18 millions contre 9). Dès lors, les effets négatifs perçus en Corse (pression immobilière, difficultés de recrutement, consommation d’eau et sentiment de rejet du tourisme) sont également ressentis dans l’archipel espagnol, et à tel point que les pouvoirs publics ont tranché dans le vif en décidant de limiter les flux de véhicules sur leur sol, via la mise en place de quotas ou de taxes durant la saison touristique dans les différentes îles de l’archipel. Quitte à provoquer une levée de boucliers chez certains : « Les loueurs de voitures ne sont pas ravis », a reconnu Miguel Ségui Llinas. Car les quotas les concernent aussi depuis cet été, ce qu’ils ont décidé de contester en justice.

Le Bison futé ardéchois

Devoir en passer par des politiques réglementaires de régulation, ce n’est pas la tasse de thé de Vincent Orcel, le directeur général de la SPL Gorges d’Ardèche Pont d’Arc : « Les quotas, on estime que c’est la dernière mesure à mettre en place chez nous, avant d’avoir essayé toutes les autres. Notre objectif, c’est d’agir sur les comportements, plutôt que sur le quantitatif. » Sur internet, les acteurs du tourisme ardéchois ont mis en place Canoé-Malin, le Bison futé de la descente en rivière. Via des webcams et une dose d’intelligence artificielle, cet assistant virtuel cumule des données pour établir des prévisions fiables sur le créneau de réservation idéal pour une descente en rivière. Le dispositif a été manifestement apprécié, puisqu’il a déclenché l’ouverture de « 42 000 sessions sur notre site internet cette année ».
 

Vincent Orcel, en visio depuis l'Ardèche.

Et en Nouvelle-Zélande ?

Enfin, Cameron Hayes, marketing manager à l’office du tourisme de Nouvelle-Zélande, n’a certes pas fait le déplacement jusqu’à Portivechju, mais il a envoyé une vidéo dans laquelle il a présenté le dispositif Tiaki, mis en place en 2018 dans son pays. Soit une série de recommandations et de bons comportements à adopter une fois sur place, et ce, en matière de protection de l’environnement, de recyclage des déchets ou de respect de la culture locale. Une campagne de communication et de sensibilisation qui s’affiche dans les lieux susceptibles d’être fréquentés par les touristes.

Des politiques variées, parfois radicalement différentes, qui ont toutes pour objectif d’endiguer les effets néfastes de la surfréquentation touristique. En Corse, le principal problème engendré par le surtourisme est connu : « La pression touristique est telle que les habitants ont du mal à se loger », a rappelé Virginie Picon Lefebvre, architecte urbaniste et professeure à l’ENSA de Paris Belleville. « La Corse a échappé aux vagues d’urbanisation sur ses côtes, contrairement aux Baléares ou à Chypre, a souligné de son côté Rémy Knafou, un professeur de géographie qui enseigne à la Sorbonne. Le "toujours plus" est déraisonnable. Il faut se tourner vers un nouvel équilibre en renonçant à ce qui a été jusqu’à présent le moteur du système : la croissance immobilière et l’artificialisation des sols. » D’un point de vue relationnel, Virginie Picon Lefebvre suggère « d’inventer des lieux de rencontre, où les gens se parleront au lieu de rester dans leurs villas ».