Basée à Sainte-Lucie de Porto-Vecchio, l’association Women Safe & Children lutte depuis sa création en 2022 contre les violences commises dans le cadre intrafamilial. Elle organise, comme l’an dernier, une marche solidaire ce samedi 22 novembre dans les rues de Porto-Vecchio. A cette occasion, trois femmes vivant dans la microrégion et suivies par l’association ont accepté de livrer à Corse Net Infos le récit de violences qu’elles disent avoir subi.
Deux des femmes qui ont témoigné entourent de leurs mains l'oeuvre peinte par Thaïs, une autre femme bénéficiaire de l'aide apportée par Women Safe and Children Corsica,.
1. Sabrina et son fils
« Il y a eu ce geste de trop qui s’est passé devant mon fils. C’est ce qui fait que je suis partie. » Durant un temps forcément trop long, Sabrina s’est retrouvée victime de violences conjugales. Ce geste de plus, ce geste de trop, c’est celui qui l’a menée à une prise de conscience salutaire : prendre ses distances avec son compagnon. Son fils en bas âge dans les bras, elle quitte le Continent, choisit l’Extrême-Sud de la Corse pour refaire sa vie : « J’avais déjà travaillé ici et je savais que je pourrais retrouver facilement un emploi. » Son rebond est un succès, mais le père a des droits de visite sur le petit, qu’il finira par perdre en partie, décidera la justice, car « ça s’est très mal passé quand mon fils est retourné là-bas ». Désormais, c’est uniquement à Ajaccio, et en présence d’un tiers, que le père est autorisé à voir son fils, « mais il n’est jamais venu », constate Sabrina. Il reste des appels téléphoniques que le garçonnet tente d’évacuer aussi vite qu’il le peut, rapporte sa maman : « Avant l’appel, il n’est pas bien, il dit qu’il n’a pas envie de lui parler. Et puis il lui raconte vite fait sa journée, lui dit bisous et s’en va, ce qui met en colère son père. »
"Ce monsieur a encore des droits. On est toujours à sa merci."
Auprès de Women Safe and Children, Sabrina et son fils ont trouvé une oreille bienveillante, des égards et de l’affection. Des conseils juridiques aussi, pour gérer au mieux la situation : « Ce monsieur a encore des droits et donc on est toujours à sa merci », s’inquiète la rescapée, qui se félicite chaque jour d’être partie mais redoute « qu’il arrive encore à me manipuler ». Mais Sabrina culpabilise encore d’avoir envoyé son fils chez son père, quand bien même elle ne faisait que se conformer à une décision de justice : « Ca m’a fait perdre confiance en moi. Mais aujourd’hui je vais mieux, et c’est notamment grâce à l’association. On m’a fait comprendre que je n’étais pas la mauvaise. »
2. Anna
Révéler toute l’atrocité de violences conjugales subies au quotidien, c’est l’étape cruciale que pensait avoir franchie Anna (*), après des mois passés à dire à son entourage « que je m’étais fait tabasser dans la rue ». Quand ce moment de vérité la saisit, Anna se trouve dans un lit d’hôpital, salement amochée, mais son courage réuni entre ses deux mains. C’est à la psy qui se présente à son chevet qu’elle se confie. « Puis je suis sortie de l’hôpital et… rien. Les informations ne sont pas passées. J’ai eu zéro accompagnement derrière », a-t-elle été forcée de constater. C’était il y a dix ans et Anna a survécu à sa non prise en charge post-traumatique, ce qu’elle ne doit qu’à elle-même : « Je me vois vraiment comme la guerrière qui a traversé ça toute seule, enrage-t-elle encore aujourd’hui. J’aurais vraiment aimé être aidée à l’époque. » Anna arrive en Corse, là où justement elle avait rencontré cet homme : « Je suis retournée vivre ici, parce que je ne voulais pas que la Corse reste associée à lui dans mon esprit. » Traumatisée, la jeune femme développe des mécanismes de protection : « J’avais toujours peur qu’il m’arrive un truc grave. Je travaille encore là-dessus aujourd’hui. Heureusement, j’ai eu la chance de retrouver un super compagnon derrière, ce qui fait que j’ai pu avancer et me reconstruire. »
"J'avais besoin d'être reconnue en tant que victime. Et de ne pas laisser cet homme vivre en toute impunité".
Elle ne peut pas en dire autant de certains de ses proches : « L’an dernier, des choses sont ressorties, qui m’ont reconnectée à ma famille qui n’avait pas été présente au moment où ça s’était passé, confie-t-elle. Tout ça a fait que je me suis rapprochée de Women Safe & Children. » Auprès de l’équipe basée à Sainte-Lucie de Porto-Vecchio, Anna se découvre un nouvel objectif : obtenir justice, une décennie après les faits. « J’avais besoin de clôturer ce processus, d’être reconnue en tant que victime. Et de ne pas laisser cet homme vivre en toute impunité. » Pour des faits de violences conjugales, le délai de prescription est de six ans, mais Anna avance également avoir été victime de séquestration, la prescription pour un tel crime étant de vingt ans. Une plainte a été déposée il y a quelques mois. « S’il n’y avait pas eu l’association, je n’aurais jamais eu le courage de la déposer. »
(*) Le prénom a été changé.
3. Angélique
Il y a trois ans, Angélique s’est réveillée. D’une amnésie traumatique qui s’était emparée d’elle il y a une trentaine d’années. « Des violences que j’ai subies durant mon enfance et que j’ai occultées, oubliées. Inconsciemment. Pour me protéger. Les personnes en question, je les idéalisais complètement. Je vivais dans un monde de bisounours et la nuit, je faisais des cauchemars où bien souvent je n’étais pas la victime, mais l’agresseur. » Son grand-père et son oncle sont « les personnes en question », qu’Angélique mettra du temps à désigner durant notre entretien. Car cette maman à la voix douce n’est pas animée par la volonté de pointer des responsabilités. « J’ai simplement besoin d’être aidée », confie-t-elle, et c’est auprès de l’équipe de Women Safe & Children qu’elle trouve la force aujourd’hui d’évacuer « la honte » qui était la sienne il y a encore un an : « Je n’aurais jamais pu raconter mon histoire à un journaliste à l’époque. »
"J'ai eu des flashs dans la salle de bain. Et ce souffle coupé, ces odeurs, ces sons..."
Il y a un mot qu’elle prononce plus que d’autres : « Impensable. » Pour la fillette de cinq ans qu’elle était, comme pour la femme qu’elle est devenue. « En grandissant, j’ai intégré le fait que j’étais une menteuse et que je faisais des comédies. » Alors, pendant trente ans, Angélique fait comme si de rien n’était : « Quand on subit un choc traumatique, le cerveau disjoncte et se met en veille. Le figement. Cet état était tellement intégré dans ma vie et mes attitudes que mon surnom d’enfant, c’était "deux de tension". »
Il y a trois ans, le réveil s’est produit quand sa cousine a brisé la chape de plomb familiale. « Mon corps a eu des réactions que je ne maîtrisais pas du tout, des crises d’angoisse que je n’avais jamais eues auparavant. Des flashs dans la salle de bain. Et ce souffle coupé, ces odeurs, ces sons... » Tellement brutal qu’Angélique refusera pendant des mois de reparler à sa cousine, coupable à ses yeux d’avoir rendu pensable cet impensable qu’elle avait enfoui sous une montagne de douleurs. « Cette bulle, l’association m’a aidée à prendre conscience que c’était mon mode de survie. » Elle confrontera son grand-père avant son décès il y a deux ans : « J’avais besoin de vérité. Il baissait la tête. Il n’était pas fier. Mais il a tout avoué. Il disait qu’il avait tous les droits. » Aujourd’hui, Angélique a encore besoin de Women Safe & Children pour surmonter son traumatisme. Mais elle a retrouvé un sens à sa vie : « La culpabilité m’a quittée. J’ai à nouveau des projets. Et puis le simple fait d’en parler, c’est une victoire. »
Plusieurs manifestations dans l'Extrême-Sud
Marche solidaire, organisée par Women Safe & Children Corsica, dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes : ce samedi 22 novembre 2025 à 14 heures. Départ de la piazza’llu quartieri, au-dessus de l’espace culturel Jean-Paul de Rocca Serra. Stands et animations dès midi. Restauration sur place. Une première édition avait eu lieu l'an dernier.
D’autres événements et actions de sensibilisation auront lieu la semaine suivante : le lundi 24 novembre en matinée, intervention au collège Léon-Boujot de Porto-Vecchio ; le mercredi 26 novembre, table ronde sur la problématique des violences faites aux femmes, à l’Animu, en présence de diverses associations et structures d’aide ; le vendredi 28 novembre à 19 h 30 au cinéma Galaxy de Lecci, projection du film « Tu n’est pas seule », en présence de la réalisatrice Julie Perreard. Par ailleurs, l’association Women Safe & Children organise une collecte de dons pour l’aider dans sa mission. Une cagnotte est en ligne ici.
Pour contacter Women Safe & Children Corsica à Sainte-Lucie de Porto-Vecchio : 07 60 46 00 40 ou contact.corsica@women-safe.org
Marche solidaire, organisée par Women Safe & Children Corsica, dans le cadre de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes : ce samedi 22 novembre 2025 à 14 heures. Départ de la piazza’llu quartieri, au-dessus de l’espace culturel Jean-Paul de Rocca Serra. Stands et animations dès midi. Restauration sur place. Une première édition avait eu lieu l'an dernier.
D’autres événements et actions de sensibilisation auront lieu la semaine suivante : le lundi 24 novembre en matinée, intervention au collège Léon-Boujot de Porto-Vecchio ; le mercredi 26 novembre, table ronde sur la problématique des violences faites aux femmes, à l’Animu, en présence de diverses associations et structures d’aide ; le vendredi 28 novembre à 19 h 30 au cinéma Galaxy de Lecci, projection du film « Tu n’est pas seule », en présence de la réalisatrice Julie Perreard. Par ailleurs, l’association Women Safe & Children organise une collecte de dons pour l’aider dans sa mission. Une cagnotte est en ligne ici.
Pour contacter Women Safe & Children Corsica à Sainte-Lucie de Porto-Vecchio : 07 60 46 00 40 ou contact.corsica@women-safe.org