Festival d'automne de la ruralité : du 8 au 11 novembre, Patrimoniu fête A San Martinu

Rédigé le 07/11/2025
Nicole Mari

Rendez-vous incontournable de l'automne en Haute-Corse, les festivités di A San Martinu se tiendront, comme chaque année, du 8 au 11 novembre à Patrimoniu. Quatre journées éclectiques autour du territoire rural, de la valorisation des patrimoines matériels et immatériels en lien avec la figure tutélaire de San Martinu, patron des vignerons et du monde agraire, et dans le cadre de l’Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe : la Via sancti Martini, qui relie 14 pays. Explications, pour Corse Net Infos, de Christian Andreani, président d'u Centru Culturale San Martinu Corsica.

- Que réserve cette année u festivale di a ruralità et a San Martinu ?
- Nous commençons les journées du festivale di a ruralità, le 8 novembre, à Patrimoniu, par une journée réservée aux scolaires et aux étudiants. Comme nous travaillons sur la mémoire du territoire rural, il est important d’expliquer aux jeunes générations les enjeux de ce territoire. Nous tentons, cette année, une expérience en collaboration avec Maisons familiales et rurales (MFR), une association nationale, et avec a Casa familiale Campagnola di Sorbu. Nous emmenons les jeunes à la découverte de la première étape de a via San Martinu par un sentier qui rejoint le village de Patrimoniu depuis le massif du Pignu, plus précisément a Bocca di U Mazzone où est plantée une borne du chemin. Nous serons accompagnés lors de cette balade ethnobotanique par Francesca Desideri, spécialiste des plantes et de la flore corse, qui apprendra aux jeunes à reconnaître et à cueillir les plantes sauvages comestibles du territoire pour, à la fin de la journée, leur permettre de confectionner une soupe. Il y aura, tout au long de la journée, d’autres intervenants : des éleveurs, des vignerons, des producteurs… Cette randonnée sera aussi un rallye photo avec l’Associu Nativu de Patrimoniu et l’associu Santa Croce punta di Capicorsu et sera encadrée par u Scagnu Muntagnolu di u Nebbiu dans le cadre du Projet Erasmus + Connect-R. 
 
- Quel est le but de cette démarche ?
- Le but est que de faire découvrir à des jeunes - deux classes BTS SAM de lycéens bilingues du lycée Vincensini de Bastia - la Corse et le territoire sous un aspect qu’ils ne connaissent pas en leur apprenant la lecture du paysage et en leur donnant des éléments de toponymie. C’est une démarche citoyenne où l’on va parler d’écologie et de développement durable, de la diversification des cultures, du changement climatique. Nous sommes conscients qu’il faut former la population locale, surtout les jeunes qui sont l’avenir, mais nous répondons également à une demande des gens de mieux connaître leur environnement. L’idée est de faire bien comprendre le sens du territoire, comment il s’articule, et de redonner aux gens la mémoire de ce qu’il était parce que, sans mémoire, on ne peut pas faire de développement. Nous menons ces actions partout en Corse depuis des années dans le cadre du Festivale di a ruralità en partenariat avec les associations locales et professionnelles et en prévision du projet d’Itinéraire culturel du Conseil de l’Europe : A Via sancti Martini, le chemin de saint Martin.
 
- Rappelez-nous le principe de ce chemin ?
- Le principe de ce chemin est de traverser les territoires sous l’égide du saint patron de l’Europe qui fut, au 4ème siècle, le préfigurateur de cet espace communautaire fondé sur des valeurs de partage et de solidarité entre les populations. Je rappelle qu’a Via Sancti Martini relie l’Europe d’Est en Ouest par quatre grands chemins sur 2500 kms, à partir de Szombathely, la ville natale de saint Martin, jusqu’à Candes-Saint-Martin, la ville de sa mort, et traverse, au total, 14 pays, dont la Corse et Patrimoniu. Vu ce qu’il se passe dans la société corse aujourd’hui, on se doit de témoigner de notre engagement et de défendre ces valeurs universelles de partage par la culture et le patrimoine, notamment martinien. Sera présente pendant tout le festival, Martine Campangne, la présidente de la Fédération européenne des Centres culturels Saint Martin de Tours.

- L’après-midi se poursuit avec a Strada Faccendu. De quoi s’agit-il ?
- A Strada facendu signifie « en faisant la route ». L’enjeu est de mieux connaître le patrimoine immatériel de la Corse par la découverte d’instruments de musique agropastorale en partenariat avec l’associu E Cetera. Simon Albertini, doctorant à l’université de Paris Sorbonne, nous parlera de François Rabelais et de l’invention de la gastronomie. Suivra un banquet citoyen des jeunes en présence notamment du maire de Patrimoniu et président de la Chambre d’agriculture, Jean-Baptiste Arena, mais aussi Dominique Ravon et Olivier Gineste, représentants de l’Union nationale des MFR ou encore Paul-Jo Caïtucoli, maire d’Arghjusta-Muricciu, qui promeut le patrimoine dans sa commune avec A festa di i Sensi.

- La journée du dimanche 9 novembre valorise la production agricole. De quelle façon ?
- C’est le lancement de la campagne de promotion « Agnellu nustrale, agneau de lait », l’agneau de lait corse que l’on appelle désormais « U Martinu ». C’est un nom unique en Europe ! Aujourd’hui, l’Odarc et la Chambre d’agriculture ont pris la mesure de l’importance culturelle de ce nom et soutiennent cette démarche en association avec le groupement I Pastori Corsi. Son usage peut être un élément de valorisation important d’un produit à forte identité, comme le font d’autres régions d’Europe. Il faut que l’agneau Corse se démarque. Tous les lieux de production agraire étaient, en Corse, placés sous la protection tutélaire de San Martinu qui est le saint des dominantes agraires. En toile de fond, il y a aussi tout le travail fait avec les vignerons de Patrimoniu. On est vraiment au cœur de l’automne sur des produits emblématiques de l’agriculture corse, qu’il faut défendre au même titre que la châtaigne par exemple. L’après-midi va se poursuivre dans l’église San Martinu avec un cycle de conférences.
 
- Pourquoi avoir choisi le miel comme thème ?
- Le miel est un produit emblématique dont la typicité se conjugue bien avec le vin et l’agneau. Il y a une actualité avec la sortie de l’ouvrage de Jean-Louis Santini : « Ernaghji, arnaghji, les ruchers traditionnels corses » qui parle d’un élément constitutif du patrimoine martinien en Corse. Les Ernaghji sont spécifiques et uniques dans le paysage, ils sont taillés dans des murs et font partie du petit patrimoine rural au même titre que les ponts, les moulins, les fontaines… Interviendra également Pierre Carli, apiculteur à Patrimoniu et administrateur du syndicat AOP Mele di Corsica qui expliquera « La filière miel en Corse, entre tradition et modernité ». Suivra une troisième conférence avec l’historien et professeur des universités, Antoine-Marie Graziani, qui parlera de « Patrimoniu et le Nebbiu au temps de la République de Gênes au 16ème et 17ème siècle ». C’est très important parce que c’est par la Conca d’Oru qu’est entrée la conquête française dans l’île. C’était l’endroit le plus convoité. C’est par là que la Corse a été conquise militairement, mais c’est aussi par-là que la France a été libérée. C’est le même itinéraire. Et puis, une fois de plus, c’est un moyen de raconter le territoire.
 
- Le lundi 10 est consacré à San Martinu qui est au cœur de toute la démarche. Que proposez-vous ?
- C’est la partie religieuse, la partie fête patronale di u paese di Patrimoniu, di i vignaghjoli è di u sparte. Elle débute par une conférence l’après-midi à l’église San Martinu sur les reliques de saint Martin et de sainte Julie de Nonza par l’historien Donatien Mazamy, chercheur à l’université de Tours. Les deux saints sont liés puisqu’il y existe un pèlerinage de Patrimoniu à Nonza depuis le XIIIe siècle. Dans l’église San Martinu de Patrimoniu, il y a une chapelle dédiée à Sainte Julie de Nonza avec un tableau qui était avant dans l’église de Nonza. Le culte de Sainte Julie est un culte important au Moyen Âge. Ce sera suivi par des chants sacrés de la Pieve de Nonza avec a Cunfraternita Santa Ghjulia di Corsica et l’office de veille avec les chants polyphoniques d’a Cunfraternita San Martinu. La journée se terminera sur le parvis de l’église avec la bénédiction du feu et a pricantula di San Martinu, la prière de saint Martin récitée par tous pour invoquer le partage et l’abondance pour l’année à venir.
 
- Les festivités se terminent comme d’habitude le 11 novembre au théâtre de verdure. Quoi de neuf cette année ?
- La journée commence à 10h30 en l’église San Martinu avec la grande messe présidée par le vicaire général du diocèse d’Aiacciu, Frederic Constant, concélébrée par le curé de la paroisse, le père Robert Gazdowicz, et chantée par les confréries. Suivra la procession de San Martinu jusqu’au théâtre de verdure avec le traditionnel hommage aux morts de la Grande Guerre, la bénédiction du vin nouveau et les intronisations par la confrérie bachique avec les vignerons de l’AOP Patrimoniu. La nouveauté est que, cette année, on va mettre en perce, non pas le tonneau habituel, mais la jarre de San Martinu, confectionnée par un artisan de Patrimoniu, le potier Julien Truchon. C’est très important parce que la jarre nous renvoie au monde antique où le vin était transporté dans des amphores. La jarre fait aussi partie du patrimoine de la Corse, elle nous relie aux vieilles civilisations méditerranéennes. Les festivités finissent avec le retour de la statue de San Martinu en procession à l’église, accompagnée par les confréries, les louanges vespérales chantées et le salut au Saint Sacrement. Avec San Martinu, tout est symbolique.
 
Propos recueillis par Nicole Mari.