Bastia - Laurent Ballesta dévoile les trésors méconnus du Cap Corse

Rédigé le 06/11/2025
Léana Serve

Murènes, raies, seiches ou anneaux de coralligène : le plongeur et photographe Laurent Ballesta expose à Bastia trente nouvelles images réalisées dans les eaux du Parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate. Une plongée dans un monde sous-marin encore largement inexploré, entre curiosité scientifique et regard de sensibilisation.

Murènes, seiches, raies… Jusqu’au 15 décembre, le Parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate présente à l’Arsenale de la Citadelle de Bastia les nouvelles photographies du plongeur et biologiste marin Laurent Ballesta. Intitulée « Les Trésors du Cap Corse II », l’exposition prolonge une première série présentée il y a trois ans. Elle réunit cette fois-ci trente tirages, réalisés entre faibles et grandes profondeurs, témoignant de la diversité des écosystèmes corses. Pour Laurent Ballesta, présent à Bastia ce jeudi pour le vernissage de l’exposition, l’enjeu n’est pas seulement d’exposer la beauté du monde sous-marin. « J’aime montrer des patrimoines naturels auxquels on ne s'attend pas ou que parfois on ne connaît même pas et qui sont pourtant bien un patrimoine naturel commun, en l'occurrence celui du Parc naturel marin du Cap Corse et de l'Agriate. »
 

Si certaines photographies ont été prises à plus de 100 mètres de profondeur, d’autres ont en revanche été prises quasiment en surface. « Tout ce qui est là se trouve dans les eaux du parc, c’est important de le souligner. Ça se trouve parfois certes à des profondeurs inaccessibles, mais parfois ça se passe dans cinq mètres d'eau. Pourtant, on peut être surpris, et je suis le premier à l’être. J'ai photographié encore cet été des choses à moins de six mètres de profondeur dont j'ignorais l'existence, et c’est ça qui m'intéresse. L'idée, c'est d'être au-delà de la beauté des fonds marins. Tout le monde peut le constater avec un masque et un tuba, c'est beau sous l'eau, mais c'est beau aussi dans une forêt. Ce qui m'intéresse, c'est de montrer des choses qu'on ne connaît pas. C'est quand même ça le but de l'illustration. Ce qui compte, c'est le sujet, et ce n'est pas la façon dont on l'a photographié, et ce n’est pas de la fausse modestie que de dire ça. »
 

Les anneaux de coralligène, une énigme sous-marine devenue zone à protéger
 

Si l’exposition met en lumière la diversité de la biodiversité du parc marin, elle revient aussi sur l’un des volets les plus marquants de ces dernières années : les anneaux de coralligène du Cap Corse, des formations circulaires uniques en Méditerranée qui ont fait l’objet d’une longue enquête scientifique menée par Laurent Ballesta et son équipe dans le cadre de l’expédition Gombessa 6. « Les anneaux sont arrivés après plus de 15 ans de plongée autour de la Corse. Et c'est vrai que, dès la première plongée, j'ai trouvé ça tellement fascinant, et je me suis dit qu'il y avait tout un projet à monter autour d'eux. Ça valait la peine d'essayer de résoudre le mystère de leur origine. J'avais un peu sous-estimé ce que ça représentait en termes d’efforts. Je pensais que ça serait une mission d'une année, des prises de données, qu'on comprendrait tout, et puis ça a duré trois ans et demi. »
 

Un travail de terrain qui a contribué à la réflexion autour de la création d’une zone de protection particulière au large du Cap Corse. « Le travail qu’on a fait sur ces anneaux, le fait de résoudre leur mystère, montrer le caractère unique de ces formations, qui sont des reliques d'un passé ancien, mais qu'on ne trouve pas ailleurs, a aussi permis de mettre en valeur toute la biodiversité d'aujourd'hui. Et de le mettre en valeur, de le décrire, tout ça a donné des arguments forts aux autorités du parc pour ensuite aller au-devant des autorités étatiques, régionales, des syndicats de pêche, pour dire qu'il y a là une zone d'intérêt particulier à préserver. D'un commun accord, ils sont en train de transformer cette zone en une zone de protection renforcée. C'est une vraie fierté de contribuer à ça, c'est un vrai pas dans la conservation. Je suis beaucoup plus fier de ça que d'avoir résolu le mystère de leur formation. C'est peut-être plus intéressant de savoir qu'on va faire attention à cette zone. »
 

Montrer l’inconnu
 

Au fil de ses expéditions, Laurent Ballesta s’attache à ramener des images inédites du monde sous-marin. « Le plus important, c'est de ramener des sujets originaux, des choses qu'on n'a pas l'habitude de voir. J’ai photographié le mérou à dents de chien, la murène chocolat, qui est une espèce que je n’avais jamais vue de toute ma carrière. Je connaissais son existence parce que je l'avais vue dans l'aquarium de Monaco quand j'étais gamin, et je trouvais le nom rigolo, mais je ne l’avais jamais vue en 37 ans de plongée, et je l’ai vue cet été un peu au nord de Centuri à six mètres de profondeur. J'essaie le plus possible de montrer des choses inhabituelles, même des choses physiques. J’ai photographié la thermocline, le passage de l'eau chaude à l'eau froide. En général, on ne le visualise pas, mais ce jour-là, l'eau était bien stratifiée et on voit cette bande noire en plein milieu de la colonne d'eau. J'ai trouvé ça remarquable et j'ai essayé de le photographier. »

Mais au-delà de la fascination, Laurent Ballesta souhaite apporter autre chose. « J'ai l'impression que montrer ce qu'on ne connaît pas, ça a peut-être plus de force que simplement montrer que c'est beau. Quand on montre ce qu'on ne connaît pas, ça aide à faire sentir à quel point on est ignorant. Et attention, je me mets dans le lot. Moi aussi, je suis le premier ignorant de ce que je photographie. Quand on mesure son ignorance, ça appelle au respect. Tout ça nous dépasse, c'est plus grand que nous. Il n'y a rien de plus beau qu'une image qui fascine, quand les gens me disent “Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ?”, je crois que c'est gagné. »