Le préfet de Corse Jérôme Filippini s’est rendu ce mardi 2 juillet dans la micro-région du Ghjunsani, accompagné du préfet de Haute-Corse et du sous-préfet de Calvi. Une journée d’échanges étroits avec les élus locaux autour des projets en cours et des enjeux de ce territoire de montagne, qui revendique une ruralité vivante, créative et organisée.
« Dans le Ghjunsani, on ne se contente pas de survivre, on construit. » C’est en ces termes qu’Antone Casanova, maire de Pioggiola, a accueilli les représentants de l’État, venus à la rencontre des élus de la micro-région ce mardi 2 juillet. Le préfet de Corse Jérôme Filippini, le préfet de Haute-Corse Michel Prosic et le sous-préfet de Calvi Yoann Toubhans ont passé la journée dans cette vallée du Giussani, territoire enclavé de l’intérieur, pour faire le point sur les projets communaux et la manière dont l’État peut en accompagner l’aboutissement.
À Vallica, Pioggiola, Olmi-Cappella ou Mausoleo, les quatre maires — dont deux sont parmi les plus jeunes élus de Corse — ont exposé une série d’initiatives touchant aussi bien aux infrastructures, à la culture, à la santé qu’à l’agriculture de montagne. Pour les représentants de l’État, cette visite était l’occasion de « prendre la mesure d’un territoire qui, malgré ses faibles effectifs, sait faire émerger des projets structurants », selon les mots du préfet Filippini.
Une dynamique concrète sur le terrain
La matinée a débuté à Pioggiola avec la présentation de l’Espace Public Numérique, financé en partie par l’État. Puis direction les hauteurs du domaine d’Alzipratu, où ont été plantées récemment les vignes les plus hautes de Corse, à près de 900 mètres d’altitude. « C’est un projet agricole emblématique, en réponse au changement climatique. Les premières récoltes sont attendues pour l’an prochain », a précisé Antone Casanova.
La délégation a poursuivi sa visite à la Stazzona, centre culturel et lieu de formation artistique, fondé à l’initiative de Robin Renucci. Chaque année, il accueille des centaines de scolaires, des résidences d’artistes, des stages internationaux : « On est 250 habitants dans le Ghjunsani, mais on reçoit entre 800 et 1000 élèves chaque année. Aujourd’hui, on a ici des artistes venus de Chine, de Finlande, de toute l’Europe », souligne le maire de Pioggiola.
Le quotidien, entre santé, logement et eau potable
À Olmi-Cappella, Frédéric Mariani a insisté sur trois chantiers prioritaires : la maison d’accueil pour personnes âgées, qui ouvrira en septembre, le cabinet médical connecté prévu pour 2026, et surtout le projet de sécurisation de l’alimentation en eau potable. « Nous sommes de plus en plus exposés à des périodes d’étiage. Il faut s’adapter, et vite. Nous avons déposé un dossier de 10 millions d’euros pour la création de trois bassins de 5 000 m³ », a-t-il expliqué. L’objectif : garantir l’autonomie hydrique de la vallée pendant l’été.
Autre projet en cours : la maison des producteurs, installée dans une ancienne épicerie désaffectée depuis 75 ans. « Ce sera un espace de vente directe géré collectivement. L’État a soutenu l’opération à hauteur de 100 000 € pour le rachat et la réfection du toit », a précisé le maire.
Des infrastructures pour désenclaver
À Mausoleo, c’est un projet de route qui concentre les attentes. Jean-Toussaint Antonelli, maire du village, milite depuis des années pour relier plus directement son hameau à Olmi-Cappella. Une nouvelle voie est en cours de finalisation : elle permettra de passer de 10 à 2 kilomètres entre les deux communes. « Cette route, c’est plus qu’un raccourci : c’est un lien vital. En cas d’incendie, on ne sera plus isolés. Et pour les familles, c’est un facteur de retour ou de maintien sur place », a-t-il fait valoir. Deux maisons communales ont été rénovées, une troisième est en cours d’acquisition. « On essaie de reconstruire un tissu de vie, pas à pas. »
Un théâtre de verdure en guise de symbole
À Vallica, Jean-René Castellani, benjamin des maires corses, a présenté un projet longtemps différé : la création d’un théâtre de verdure, en lien avec le festival Aria. « Ce projet date de plusieurs décennies. Il a connu des blocages, plusieurs lieux envisagés, des réticences aussi. Il sera inauguré cet été. C’est un aboutissement », résume-t-il. L’équipement s’inscrit dans le développement culturel de la vallée, qui s’appuie sur une histoire artistique forte.
À l’issue de la visite, une réunion de travail a permis de faire le point sur l’ensemble des projets bénéficiant de financements publics. Le préfet Filippini a salué une « vision cohérente et ambitieuse portée par des élus soudés ». Pour lui, le Ghjunsani « démontre que la ruralité corse peut conjuguer solidarité, innovation et résilience. L’État sera au rendez-vous pour l’accompagner ». Le message est clair : malgré leur isolement, les villages du Ghjunsani veulent garder leur vitalité. Et pour cela, ils comptent bien faire valoir leur capacité d’initiative, leur enracinement et leur sens de la coopération. À condition, aussi, que les soutiens publics restent à la hauteur.