Le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, et le Président de la CCI, Jean Dominici, ont inauguré, mercredi matin, les nouveaux espaces Aviation Générale et Aviation Affaires de l’aéroport de Calvi Santa Catalina, en présence d’une centaine d’élus et de socio-professionnels. L’occasion pour le président de l’Exécutif de faire le point sur les 11 millions d’euros investis pour moderniser, sécuriser et pérenniser la plateforme balanine. Egalement de dévoiler les grands axes du cahier des charges des futures OSP aériennes 2024-2028 qui seront débattues fin avril à l’Assemblée de Corse. Explications pour Corse Net Infos de Gilles Simeoni qui annonce un renforcement de l’offre globale de sièges et un Aller/Retour Calvi-Nice dans la journée.

- Un rapport de la Cour des comptes a remis en cause l’utilité des aéroports secondaires, dont Calvi. Ces inaugurations sont-elles un moyen de pérenniser la desserte ?
- Il y avait clairement une bataille à mener sur la nécessité de maintenir quatre aéroports dans l’île. C’est une bataille qu’on a mené en synergie avec la collectivité de Corse, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Corse et le Conseil de développement de l’aéroport de Calvi présidé par François Acquaviva. Nos arguments convergents ont purgé le problème et convaincu la Cour des Comptes et l’ensemble des services de l’État du caractère efficient de notre système, de la complémentarité des quatre aéroports et de la nécessité de les maintenir. Sur l’aéroport de Calvi Santa Catalina, j’ai, avec la CCI, présenté les investissements que la Collectivité de Corse a réalisé en tant qu’autorité concédante et que, quelques fois, la CCI a mis en œuvre en tant qu’autorité concessionnaire. Nous avons programmé 11 millions € d’investissements pour rattraper un retard infrastructurel historique et pérenniser la plate-forme aéroportuaire. C’est un pas énorme qui a été fait pour la Balagne et dans notre vision globale du transport aérien.

- En quoi consistent les investissements déjà réalisés ?
- Environ 7 millions d’euros ont déjà été investis et 4 millions d’euros restent à venir. Les travaux, qui ont été réalisés, sont de trois ordres : le Pélicandrome, l’aviation d’affaires et la sécurité des pistes. D’abord, la transformation du Pélicandrome pour conforter l’aéroport dans son rôle dans la sécurité civile et la lutte contre les incendies. Il y avait des travaux indispensables à réaliser parce que les changements d’avion dans la lutte anti-incendie rendaient nécessaires l’allongement de la piste. Cela a été fait. Ensuite, le déplacement et la reconstruction de l’aéro-club. Egalement, l’ouverture des pistes consacrées à l’aviation d’affaires. Toujours en cours, les travaux sur le système RESA, c’est-à-dire l’allongement de la piste côté mer pour pouvoir accueillir les gros porteurs, quelques soient les circonstances météorologiques. L’ensemble de ces travaux a été inauguré aujourd’hui. Ce sont des améliorations très conséquentes en matière d’infrastructures, surtout au niveau de la sécurité et de la praticabilité de l’aéroport par tous temps et aussi son caractère polyfonctionnel, y compris sur la sécurité civile. Quand on sait l’importance des feux en Balagne, il est indispensable que les avions puissent se positionner sur l’aéroport. Nous avons aussi mis en perspective les travaux menés par la collectivité de Corse et la CCI pour acter la possibilité d’atterrissage de nuit. C’est en cours et cela devrait être effectif dans les deux ans à venir.

- Vous avez évoqué les futures OSP (Obligations de service public) aériennes pour la période 2024-2028. Quels sont les grands axes du nouveau cahier des charges ?
- J’ai expliqué les contraintes de l’équation. A savoir, notre volonté de conserver le périmètre du service public, d’améliorer l’offre de sièges, de maintenir le tarif résident, en tout cas de très peu l’augmenter, malgré l’ensemble des contraintes qui pèsent, notamment la flambée du prix du carburant, l’inflation générale et la fiscalité écologique. Par exemple, sur les 4 ans à-venir, la fiscalité écologique pour une compagnie comme Air Corsica, si elle devait être retenue dans l’appel d’offres, représente environ 30 millions d’euros. Dans ce contexte-là, avec une enveloppe de continuité territoriale qui stagne depuis 2009, des flux de passagers qui augmentent et des coûts qui explosent, l’équation est quasi-impossible. Malgré cela, nous avons beaucoup travaillé et fait des propositions qui, je le crois, ont vraiment donné une grande satisfaction sur les demandes attendues. D’abord, concernant le tarif résident qui est le cœur du service public, nous proposons de maintenir la baisse historique de 2020, c’est-à-dire de ne l’augmenter que de cinq euros sur le bord à bord et de dix euros sur Paris. Sur la plate-forme de Calvi, pour la première fois, et c’était une demande historique qui nous avait été encore formulée en décembre dernier par la Comcom de Lisula-Balagna, nous proposons dans le cahier des charges que le Calvi-Nice ait une amplitude de sept heures en hiver et de onze heures en été, puisque pour l’instant, on ne peut pas atterrir de nuit à Calvi.
 
- Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?
- Cela veut dire qu’on pourra faire l’aller-retour entre Calvi et Nice dans la journée. Ce qui n’était pas le cas avant. Pour les résidents, qu’ils partent pour des raisons sanitaires ou pour des rendez-vous économiques ou d’affaires, c’était une demande vraiment très forte à laquelle nous sommes heureux de pouvoir répondre. Nous avons également inscrit dans le cahier des charges deux autres mesures essentielles, aussi très attendues. Nous allons globalement renforcer l’offre pendant la période touristique. On ne peut pas juridiquement l’augmenter de façon drastique, comme nous le demande la CCI, puisque l’offre de sièges est corrélée au besoin de service public, c’est-à-dire au besoin de résident et aux besoins économiques de déplacement. Nous avons travaillé pour mieux répartir le volant de passagers, qui n’était pas optimisé, entre les différents aéroports. Cela permet notamment sur la plate-forme de Calvi, de placer deux vols sur Paris au lieu d’un, les lundi, mardi, jeudi et vendredi du 1er mai au 30 septembre. La seconde mesure est une réponse aux périodes de saturation où jusqu’à présent, l’offre manque face à la demande. Nous allons mettre en place un système de monitoring avec les compagnies, qui seront retenues, et avec la CCI, notamment par rapport aux réservations. Si les réservations montrent que le taux de remplissage est proche de 100 %, les compagnies auront l’obligation de renforcer leur offre, notamment en été.
 
- Cette augmentation de l’offre entrera-t-elle dans le cahier des charges des OSP ?
- Aujourd’hui, 4,4 millions de passagers sont transportés dans l’aérien, dont 2,1 millions par le service public. Nous projetons de demander 2,75 millions de sièges dans le futur appel d’offres, soit 100 000 sièges de plus qu’aujourd’hui. Sur les 2,65 millions de sièges de l’ancien appel d’offres, 600 000 n’ont pas été vendus, 700 000 l’ont été au tarif résident, et 1,4 million sont des places économiques. On ne peut pas aller au-delà de 2,75 millions parce qu’on va nous répliquer que cela ne correspond pas à notre besoin de service public. Donc, il y aura aussi des discussions hors OSP, parce que tout ne peut pas être inclus dans les OSP. Par exemple, sur la ligne de Paris, les OSP donnent un monopole à la compagnie délégataire, et il appartient à celle-ci, y compris au-delà des OSP, de mettre des vols supplémentaires pour répondre à la demande. C’est une discussion à venir de l’appel d’offres, tout en restant dans la logique politique qui est la nôtre. Cela veut dire un tourisme durable. Notre objectif n'est pas d'avoir un avion qui se pose tous les quarts d’heure, à supposer que ce soit techniquement possible !

- Vous dites que, dans un contexte de flambée des prix, l’équation est quasi-impossible. Aurez-vous les moyens de vos ambitions ?
- C’est une question de fond que j’ai abordée avec les élus. L’enveloppe de 35 millions €, qui nous a été accordée par l’Etat à titre exceptionnel, nous devons l’obtenir de façon structurelle. Et même obtenir plus, parce que, sur l’enveloppe de 189 millions d’euros de la continuité territoriale, nous avions réussi à dégager un reliquat de 20 millions d’euros qui nous permettait d’investir sur les infrastructures. Aujourd’hui, la flambée des prix a absorbé le reliquat, donc manquent, non pas 35 millions d’euros, mais 55. Il faut avoir en tête que la structure de nos recettes fiscales est beaucoup moins dynamique que celle des régions de droit commun où elles sont constituées à 50 % par la TVA. En Corse, la TVA, qui est une recette très dynamique, indexée sur le coût de la vie, ne représente que 20 % de nos recettes fiscales. Donc, lorsque le coût de la vie augmente, il y a donc un fossé entre nos recettes et les prix qu’on paye. C’est une discussion qu’il faut avoir avec l’État, y compris dans le cadre de l’autonomie.
 
- Vous avez pris en compte les demandes balanines. Qu’en est-il de Figari qui demande 400 000 places supplémentaires ?
- Nous avons bien sûr le souci de discuter avec l’ensemble des acteurs sur l’ensemble du territoire. Nous serons prochainement à Figari où le trafic est encore plus important. Le même type d’efforts sera fait, mais avec les limites que je viens de citer. Je rappelle que le cœur des OSP, c’est le résident, c’est offrir un service public de qualité le plus élargi possible, et aussi répondre à l’offre touristique. On restera dans ce qu’on considère être le volume raisonnable d’offre de sièges. Tout cela s’inscrit dans un système global et dans la maîtrise de nos infrastructures portuaires et aéroportuaires. D’où le rattachement en cours de la CCI à la collectivité de Corse, qui est aussi une garantie qu’on ne passera pas par un appel d’offres extérieur pour la gestion de ces infrastructures. Je vous rappelle que sur le continent, les grands aéroports sont gérés par des grosses structures privées. Nous avons aussi en arrière-plan, sans préjuger du résultat des appels d’offres, la volonté de conserver les emplois en Corse, qu’il s’agisse d’Air Corsica ou d’Air France avec notamment 300 emplois dans les escales. Bien sûr, on appliquera les règles de la concurrence, et ce sera aux compagnies de se mettre au niveau. Mais il y a toujours ce souci social qui nous fait avancer sur un chemin de crête. Nous allons enfin continuer à construire une complémentarité entre l’offre de service public et l’ouverture aux compagnies privées, y compris, à travers des achats de flux sur des destinations identifiées, achats qui seront menés par un groupement entre l’agence de tourisme de la Corse (ATC) et la CCI sur certaines lignes. C’est, donc, une vision nouvelle et dynamique, adossée à nos fondamentaux de service public et de développement durable qui répond, à mon avis, très largement aux attentes des Corses et aux nouveaux enjeux.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.

La satisfaction des élus balanins et des socioprofessionnels