Fini le camping, l’ESAT de Porto-Vecchio a investi de nouveaux locaux pour ses travailleurs handicapés

Rédigé le 10/07/2025
Julien Castelli

Vendredi 27 juin, l’ESAT de Porto-Vecchio a inauguré ses nouveaux locaux, suite au déménagement de septembre 2023. Ces préfabriqués, situés route de Palombaggia, favorisent l’insertion par le travail d’une vingtaine de personnes en situation de handicap.

Dans leurs nouveaux locaux, les travailleurs de l'ESAT bénéficient d'une salle de réunion qui fait aussi office de salle de pause.

Un ESAT, c’est un établissement (ou service) d'accompagnement qui mise sur le travail pour favoriser l’insertion sociale de personnes certes en situation de handicap, mais tout de même en capacité d’avoir une activité professionnelle. En Corse-du-Sud, la structure est gérée par l’Association départementale des parents et amis de personnes en situation de handicap (ADAPEI 2A). Elle est agréée pour accueillir 220 travailleurs sur ses trois sites d’Ajaccio, Afa et Porto-Vecchio. Ce dernier a ouvert ses portes en 1998 et, jusqu’en 2023, c’était dans le camping Les Jardins du Golfe, situé route de Palombaggia, que le travail s’exerçait. « C’était centré sur des activités liées au camping, comme le nettoyage de la piscine, la maintenance, l’entretien des mobile-homes », explique Christophe Chotard, le directeur du site porto-vecchiais qui relève deux inconvénients à cette situation antérieure : un travail qui n’était possible que durant la saison touristique et un manque de variétés dans les tâches à effectuer.

Il y a quelques années, aidé par le fonds de dotation de la Mutuelle de la Corse, l’ADAPEI 2A décide de financer la construction de préfabriqués, en face du camping, pour se doter d’un véritable ESAT, c’est-à-dire d’une base dotée de locaux administratifs, de vestiaires, d’une salle de réunion/regroupement/pause et d’une zone dédiée au stockage et au rangement. Quitter le contexte du camping lui permet d’offrir des perspectives de travail externes et variées aux 21 travailleurs actuellement présents dans l’ESAT de Porto-Vecchio. « Notre coeur de métier, ce n’était pas de faire du camping, souligne Myriam Boulet, la directrice générale de l’ADAPEI 2A. Nous identifions les besoins des personnes en situation de handicap pour qu’elles puissent bénéficier d’un accompagnement par le travail, en lien avec leur projet professionnel. » 

"Je tisse des liens"
Saïd, par exemple, espère s’en servir comme d’un tremplin : « Le travail ici me plaît bien, mais je ne pense pas y rester toute ma vie, témoigne le travailleur porto-vecchiais. J’ai le projet de partir en cuisine professionnelle. » De son côté, Jessica se dit épanouie : « Avant au camping, je ne faisais que du secrétariat. Aujourd’hui, je m’occupe aussi de l’entretien de locaux et du conditionnement. Et en plus, je rencontre du monde, je tisse des liens. » Les travailleurs de l’ESAT porto-vecchiais ont également participé aux travaux d’aménagement de leur structure, de même qu’aux plantations alentours. Aujourd’hui, ils prennent une part active dans l’entretien des espaces verts de deux hôtels de la baie de Santa Giulia, le Moby Dick et le Castell’Verde. « On leur facture une prestation, précise Christophe Chotard. Et à côté, on met en place un contrat d’aide et de soutien par le travail, pour 35 heures par semaine à temps plein. C’est notre chiffre d’affaires qui permet de financer une petite partie de leur rémunération, sinon c’est du financement d’État. »

Voir une entreprise embaucher une personne issue d’un ESAT reste néanmoins exceptionnel, regrette Christophe Chotard : « Il y a un gros travail de communication à faire auprès des entreprises. Il peut y avoir des craintes qu’il nous appartient de lever. Par exemple, sur le Continent, une entreprise d’habillement a fait confiance à des travailleurs trisomiques pour le tri des cintres. Ces petites tâches ingrates qui prennent du temps, ils les font généralement très bien. » Le directeur porto-vecchiais se réjouit  de voir que l’un des travailleurs de l'ESAT ajaccien a récemment convaincu une entreprise de vente de matériel agricole de lui faire confiance : « Il a signé un contrat au 1er septembre. Ca faisait dix ans qu’on n’avait pas connu de passage d’un de nos travailleurs en milieu ordinaire », s’en émeut-il. 

Suite au déménagement intervenu en septembre 2023, la structure s’est accordée un temps pour identifier les compétences professionnelles de chacun, offrir des possibilités de formation et s’assurer de la coordination avec les moniteurs qui les encadrent. « Ce qui manque encore aujourd’hui, ce serait un lieu d’hébergement, car c’est un frein ici à Porto-Vecchio. » Le maire Jean-Christophe Angelini en est conscient : « Dans le cadre de notre dispositif de logements Accasà si, on a identifié un ou deux programmes immobiliers susceptibles d’accueillir du logement dédié pour des travailleurs de l’ESAT. » Le maire précise aussi qu’il fera appel à leurs compétences professionnelles « pour l’entretien des espaces verts communaux, des cimetières, mais aussi dans l’aménagement des futurs jardins publics prévus dans le projet d’extension du port de plaisance et de pêche ».

Action en justice
De quoi envisager sereinement l’avenir, du côté de l’ESAT de Porto-Vecchio, s’il n’y avait un nuage à l’horizon : « Nous sommes en litige avec le privé qui a repris la gestion du camping », révèle Myriam Boulet, confirmant avoir intenté une action en justice en vue de contester l’occupation du camping par son nouveau gestionnaire. Une occupation qui ne correspondrait pas à l’accord contractuel de base, selon la directrice, et qui « menacerait la pérennité de l’ESAT de Porto-Vecchio ».