Le 9 septembre 1943, la Corse devenait le premier département français libéré. Mais ce n’est que 80 ans plus tard, en 2023, qu’un Musée de la Résistance corse a vu officiellement le jour dans l’île, à Zonza, sous l’impulsion de cette commune de l’Alta Rocca et de Sylvain Gregori, le conservateur du Musée de Bastia. Aujourd’hui, plusieurs projets visent à en faire le musée incontournable en Corse pour ce qui est de faire vivre et diffuser la glorieuse mémoire de la Résistance insulaire.
Depuis son inauguration en 2023, le nouveau Musée de la Résistance accueille en moyenne 4 000 visiteurs chaque année. PHOTO MAIRIE DE ZONZA
Tout d’abord, rendons à Jean-Noël Aïqui ce qu’il a impulsé : c’est lui, cet habitant de San Gavino di Carbini, grand collectionneur et passionné d’histoire, qui fut à l’origine de l’ouverture, en 2011, du premier Musée de la Résistance en Alta Rocca. L’intention est posée, mais à l’époque, nulle ambition pour Jean-Noël Aïqui de se mettre à l’échelle de la Corse, preuve en est le nom du musée. Ensuite, aussi intéressante qu’elle fut, sa collection restait privée, bien qu’exposée dans un bâtiment public mis à disposition par la mairie de Zonza. Ce n’est réellement qu’une décennie plus tard que le musée changera de dimension, une fois que Jean-Noël Aïqui aura fait don, devant notaire, de sa collection à la municipalité.
Le Musée de la Résistance en Alta Rocca est mort, vive le Musée de la Résistance corse : pour servir sa nouvelle ambition de raconter l’histoire de la société corse durant la Résistance, la municipalité zonzaise prend attache avec un éminent spécialiste de la Seconde Guerre mondiale en Corse, le conservateur du Musée de Bastia Sylvain Gregori. « Le courant est passé tout de suite, se souvient celui qui est devenu depuis le conservateur du Musée de la Résistance corse. On a apporté de nouvelles collections à une collection initiale qui était très lacunaire, exposée sans muséographie ni scénographie. » La nouvelle équipe du musée décide de faire authentifier la collection de Jean-Noël Aïqui « et au final, on en a conservé environ 20 % », indique Marie-Laure Salvi, la directrice des affaires culturelles de la commune.
La Corse, premier département libéré, "pas enseigné dans les livres d'histoire"
Un appel aux dons est effectué auprès de la population corse et surtout, Sylvain Gregori met en dépôt à Zonza une partie du fonds de collection de l’association Sintinelle, dont il est le cofondateur. « Depuis 1998, on avait collecté des objets sur toute la période de la Résistance en Corse. Il n’y avait quasiment rien dans les collections publiques des musées insulaires. » Le conservateur bastiais avance une explication : « Ce passé était encore très présent dans l’imaginaire collectif. Et peut-être a-t-on estimé qu’il ne méritait pas encore d’être collecté et préservé… » Selon le maire de Zonza Nicolas Cucchi, « cette question avait été sous-étudiée ». Et la Corse, premier département français libéré, « ça n’était pas enseigné dans les livres d’histoire », rappelle l’élu qui souhaite désormais « dépolitiser le débat en rendant la parole aux scientifiques et aux historiens ».
Chemin faisant, un comité de pilotage est constitué autour de Sylvain Gregori. Ce qui fait consensus, « c’est de sortir de l’histoire des batailles militaires, appuie Marie-Laure Salvi. On voulait raconter l’histoire de cette société corse en temps de guerre, dans une démarche anthropologique. » Cette histoire se raconte au travers de quatre salles, aménagées au rez-de-chaussée d’un imposant bâtiment à Zonza, qui fut naguère une caserne de gendarmerie. Cent trente objets y sont exposés depuis 2023, suite à un travail de rénovation et d’aménagement financé par la commune et la Collectivité de Corse. Et depuis qu’il a commencé sa seconde vie, le musée zonzais, certes gratuit, est parvenu à attirer « 4 000 visiteurs en moyenne chaque année », s’en félicite Marie-Laure Salvi.
Faire en sorte que la jeunesse s'identifie aux héros de la Résistance
Depuis l’an dernier, des scolaires issus de toute la Corse viennent à Zonza pour le visiter. « On souhaitait qu’il y ait de l’interactivité pour les enfants, que le musée soit à la fois ludique et pédagogique », note la directrice zonzaise des affaires culturelles. Cette interactivité prend la forme d’ateliers : autour de la censure, ou comment les Résistants la contournait en cryptant des messages. Autour de la mode aussi : « On a retrouvé des Marie-Claire des années 40 », révèle Marie-Laure Salvi. Durant la guerre, « c’était une forme de résistance pour les Corses que de rester propre et élégant, même si les Italiens nous privaient de tout ». Ainsi, durant un atelier, les enfants sont invités à confectionner le brassard en tissu que les résistants portaient pour se reconnaître entre eux, un motif à tête de maure avec un « V » que le Fab Lab de Corte a pu recréer. Et si, 80 ans plus tard, des noms de Résistants glorieux sont restés dans la mémoire collective, tels Jean Nicoli, Fred Scamaroni ou Danielle Casanova, d’autres n’ont pas connu la même postérité : « On a voulu remettre les héros de la Résistance corse au centre du jeu, pour que notre jeunesse s’identifie à eux et se réapproprie notre passé glorieux », espère Nicolas Cucchi.
Une route de la mémoire de la Résistance en Corse ?
Mais au-delà de la jeunesse, c’est la Corse toute entière que le Musée de la Résistance souhaite irriguer, avec Zonza en son coeur : « Il ne s’agit en rien de préempter la question, on veut simplement partager et créer une émulation », poursuit le maire, qui s’imagine reconstituer un réseau de la Résistance en Corse. Une phase de recensement est en cours : les communes insulaires ont été invitées à renseigner tous leurs lieux mémoriels, qui pourraient ensuite être reliées sous la forme d’une route de la mémoire, avec signalétique dédiée, QR codes… En parallèle, le musée de Zonza a obtenu une entrevue, courant avril, au ministère de la Culture, pour demander l’obtention de l’appellation « musée de France », qui lui permettrait d’asseoir sa légitimité. Un site internet va aussi voir le jour dans les prochaines semaines.
Le musée proprement dit va pouvoir bénéficier d’une extension, dans le cadre des travaux de requalification du centre du village actuellement en cours. Après travaux, il disposera d’un étage qui sera dédié à l’accueil d’expositions temporaires. Car le musée recèle encore des trésors qu’il ne peut encore exposer, faute de place : « On va pouvoir évoquer beaucoup plus de thématiques, se réjouit Sylvain Gregori. Notamment pousser jusqu’à la fin du conflit, quand les Corses une fois libérés ont participé à la Libération de l’Europe. On parlera aussi de la présence américaine, que l’on évoque très succinctement dans le musée actuel. Enfin, on veut montrer comment se construit la mémoire de la Résistance à partir de la Libération : à travers la mémoire gaulliste, communiste, mais aussi en analysant comment certains groupuscules tentent aujourd’hui d’instrumentaliser ce passé. »
Le Musée de la Résistance en Corse, à Zonza, est ouvert du 1er juin au 30 septembre, de 10 h à 13 h et de 14 h à 18 h, puis à des horaires réduits en octobre et novembre. Fermé l’hiver et au printemps, il peut néanmoins ouvrir ponctuellement pour des groupes ou des scolaires, sur réservation au 06 13 50 60 66. L’entrée est gratuite.
Le Musée de la Résistance en Alta Rocca est mort, vive le Musée de la Résistance corse : pour servir sa nouvelle ambition de raconter l’histoire de la société corse durant la Résistance, la municipalité zonzaise prend attache avec un éminent spécialiste de la Seconde Guerre mondiale en Corse, le conservateur du Musée de Bastia Sylvain Gregori. « Le courant est passé tout de suite, se souvient celui qui est devenu depuis le conservateur du Musée de la Résistance corse. On a apporté de nouvelles collections à une collection initiale qui était très lacunaire, exposée sans muséographie ni scénographie. » La nouvelle équipe du musée décide de faire authentifier la collection de Jean-Noël Aïqui « et au final, on en a conservé environ 20 % », indique Marie-Laure Salvi, la directrice des affaires culturelles de la commune.
La Corse, premier département libéré, "pas enseigné dans les livres d'histoire"
Un appel aux dons est effectué auprès de la population corse et surtout, Sylvain Gregori met en dépôt à Zonza une partie du fonds de collection de l’association Sintinelle, dont il est le cofondateur. « Depuis 1998, on avait collecté des objets sur toute la période de la Résistance en Corse. Il n’y avait quasiment rien dans les collections publiques des musées insulaires. » Le conservateur bastiais avance une explication : « Ce passé était encore très présent dans l’imaginaire collectif. Et peut-être a-t-on estimé qu’il ne méritait pas encore d’être collecté et préservé… » Selon le maire de Zonza Nicolas Cucchi, « cette question avait été sous-étudiée ». Et la Corse, premier département français libéré, « ça n’était pas enseigné dans les livres d’histoire », rappelle l’élu qui souhaite désormais « dépolitiser le débat en rendant la parole aux scientifiques et aux historiens ».
Chemin faisant, un comité de pilotage est constitué autour de Sylvain Gregori. Ce qui fait consensus, « c’est de sortir de l’histoire des batailles militaires, appuie Marie-Laure Salvi. On voulait raconter l’histoire de cette société corse en temps de guerre, dans une démarche anthropologique. » Cette histoire se raconte au travers de quatre salles, aménagées au rez-de-chaussée d’un imposant bâtiment à Zonza, qui fut naguère une caserne de gendarmerie. Cent trente objets y sont exposés depuis 2023, suite à un travail de rénovation et d’aménagement financé par la commune et la Collectivité de Corse. Et depuis qu’il a commencé sa seconde vie, le musée zonzais, certes gratuit, est parvenu à attirer « 4 000 visiteurs en moyenne chaque année », s’en félicite Marie-Laure Salvi.
Faire en sorte que la jeunesse s'identifie aux héros de la Résistance
Depuis l’an dernier, des scolaires issus de toute la Corse viennent à Zonza pour le visiter. « On souhaitait qu’il y ait de l’interactivité pour les enfants, que le musée soit à la fois ludique et pédagogique », note la directrice zonzaise des affaires culturelles. Cette interactivité prend la forme d’ateliers : autour de la censure, ou comment les Résistants la contournait en cryptant des messages. Autour de la mode aussi : « On a retrouvé des Marie-Claire des années 40 », révèle Marie-Laure Salvi. Durant la guerre, « c’était une forme de résistance pour les Corses que de rester propre et élégant, même si les Italiens nous privaient de tout ». Ainsi, durant un atelier, les enfants sont invités à confectionner le brassard en tissu que les résistants portaient pour se reconnaître entre eux, un motif à tête de maure avec un « V » que le Fab Lab de Corte a pu recréer. Et si, 80 ans plus tard, des noms de Résistants glorieux sont restés dans la mémoire collective, tels Jean Nicoli, Fred Scamaroni ou Danielle Casanova, d’autres n’ont pas connu la même postérité : « On a voulu remettre les héros de la Résistance corse au centre du jeu, pour que notre jeunesse s’identifie à eux et se réapproprie notre passé glorieux », espère Nicolas Cucchi.
Une route de la mémoire de la Résistance en Corse ?
Mais au-delà de la jeunesse, c’est la Corse toute entière que le Musée de la Résistance souhaite irriguer, avec Zonza en son coeur : « Il ne s’agit en rien de préempter la question, on veut simplement partager et créer une émulation », poursuit le maire, qui s’imagine reconstituer un réseau de la Résistance en Corse. Une phase de recensement est en cours : les communes insulaires ont été invitées à renseigner tous leurs lieux mémoriels, qui pourraient ensuite être reliées sous la forme d’une route de la mémoire, avec signalétique dédiée, QR codes… En parallèle, le musée de Zonza a obtenu une entrevue, courant avril, au ministère de la Culture, pour demander l’obtention de l’appellation « musée de France », qui lui permettrait d’asseoir sa légitimité. Un site internet va aussi voir le jour dans les prochaines semaines.
Le musée proprement dit va pouvoir bénéficier d’une extension, dans le cadre des travaux de requalification du centre du village actuellement en cours. Après travaux, il disposera d’un étage qui sera dédié à l’accueil d’expositions temporaires. Car le musée recèle encore des trésors qu’il ne peut encore exposer, faute de place : « On va pouvoir évoquer beaucoup plus de thématiques, se réjouit Sylvain Gregori. Notamment pousser jusqu’à la fin du conflit, quand les Corses une fois libérés ont participé à la Libération de l’Europe. On parlera aussi de la présence américaine, que l’on évoque très succinctement dans le musée actuel. Enfin, on veut montrer comment se construit la mémoire de la Résistance à partir de la Libération : à travers la mémoire gaulliste, communiste, mais aussi en analysant comment certains groupuscules tentent aujourd’hui d’instrumentaliser ce passé. »
Le Musée de la Résistance en Corse, à Zonza, est ouvert du 1er juin au 30 septembre, de 10 h à 13 h et de 14 h à 18 h, puis à des horaires réduits en octobre et novembre. Fermé l’hiver et au printemps, il peut néanmoins ouvrir ponctuellement pour des groupes ou des scolaires, sur réservation au 06 13 50 60 66. L’entrée est gratuite.