La nouvelle cuisine centrale de Porto-Vecchio profitera aux enfants et aux plus démunis

Rédigé le 23/04/2025
Julien Castelli

Au-delà d’approvisionner les 750 enfants scolarisés dans les écoles maternelles et primaires de Porto-Vecchio, la cuisine centrale, inaugurée ce mercredi après un an de travaux et mise en service dès lundi, ambitionne de lutter contre la précarité alimentaire, tout en jetant les bases d’un service public municipal de l’alimentation.

La cuisine centrale a été construite en un an dans le quartier Poretta à Porto-Vecchio, à proximité du stade Claude-Papi.

Centrale, cette cuisine l’est d’abord par sa localisation, en plein coeur du quartier Poretta. Centrale, oui, mais discrète : l’équipement a été construit derrière un immeuble, si bien qu’il est difficile de l’apercevoir depuis la route. « Très rapidement, on a jeté notre dévolu sur cet endroit, qui était une décharge à ciel ouvert », se remémore Vincent Gambini, l’adjoint au maire qui a accompagné le dossier depuis qu’il est arrivé sur la table, en septembre 2020, dans la foulée de l’élection de Jean-Christophe Angelini. Qu’importe sa visibilité relative, cette cuisine municipale a vocation à œuvrer dans l’ombre, pour un rayonnement triple : nourrir les petits Porto-Vecchiais scolarisés dans les établissements de la ville, ceux fréquentant le centre de loisirs, mais aussi les pensionnaires des crèches municipales ; enrayer la précarité et le gaspillage alimentaire ; tendre vers une autonomie de production, favorisant les produits frais, les repas livrés chauds, les circuits courts et les produits bio.

 

Chaque jour d'école, les repas seront préparés tôt le matin dans la cuisine centrale, avant d'être acheminés dans les établissements scolaires.

Construite en un an à peine, la cuisine centrale livrera ses premiers repas dès lundi aux élèves des écoles de Trinité, Muratello et Pifano, avant la généralisation à l’ensemble des écoles porto-vecchiaises. « L’objectif est que dès cet été, 100 % de nos enfants en centre de loisirs soient approvisionnés par la cuisine, détaille Vincent Gambini. Et qu’à la rentrée de septembre, les sept écoles du territoire soient toutes fournies par la cuisine centrale. » Au total, environ 750 repas seront préparés quotidiennement pour les enfants, sachant que la cuisine a un capacité de production de 1 200 repas journaliers. « La vraie plus-value pour les enfants, c’est que les repas arriveront désormais en liaison chaude, sans passer par la case frigo », apprécie Dumenica Verdoni, l’adjointe aux affaires scolaires. Les repas seront préparés tôt le matin, puis livrés vers 10 h 30 dans les écoles.


 

Thérèse Versi, nommée directrice de la cuisine municipale, a fait passer les premiers plats à un parterre d'élus et de producteurs, invités à l'inauguration de l'équipement.

3,7 millions d'euros d'investissement

Autre plus-value : la priorité donnée aux circuits courts dans la production. Suite à un appel d’offres, les fruits et légumes (bio) qui se retrouveront dans les assiettes des enfants auront été cultivés à Porto-Vecchio et à Sainte-Lucie-de-Porto-Vecchio. Les fromages seront eux fabriqués dans une ferme à Arbori, au-dessus d’Ajaccio. Pour le poisson, l’approvisionnement se fera via un grossiste à Biguglia. Et d’autres marchés devraient être attribués par la suite, notamment pour la viande. Cette politique des circuits courts enchante le maire de Porto-Vecchio, Jean-Christophe Angelini, qui entend jeter les bases d’un retour à une production locale dans la microrégion : « Porto-Vecchio importe l’écrasante majorité de ce qu’elle consomme, et ce n’est pas dû au tourisme. Nous pouvons dépasser ce modèle et renouer à terme avec une autonomie alimentaire, dans l’idée de redevenir une terre de production. » L’idée étant, par la suite, de créer « une régie maraîchère agricole municipale », annonce Vincent Gambini. « Avec le Plan local d’urbanisme, précise Dumenica Verdoni, on aura du foncier à disposition qui nous permettra d’assumer une partie de notre autonomie alimentaire, ce qui fera aussi baisser le coût du repas dans les écoles, qui reste inchangé pour les parents. » Pour Thérèse Versi, la nouvelle directrice de la cuisine centrale, Porto-Vecchio est à l’aune d’une « nouvelle aventure culinaire. Semer aujourd’hui pour mieux manger demain, c’est un sacré challenge. Mais oui, nous avons désormais une cuisine made in Porto-Vecchio ! »

Les élus porto-vecchiais et le sous-préfet posent devant la cuisine municipale, en présence du personnel.

"Un outil éminemment social"

La cuisine centrale représente un investissement de 3,7 millions d’euros. Elle est financée à 40 % par la commune mais aussi par la Collectivité de Corse (1 M€) et l’État (880 000 €). Mercredi midi, lors de l’inauguration, le sous-préfet Anthony Barraco a salué « la naissance d’un équipement structurant pour le territoire ». De son côté, s’exprimant au nom de la Collectivité de Corse, le nouveau président de l’ADEC Gilles Giovannangeli n’a pas manqué de souligner que « cet outil éminemment social, au service des enfants et des familles, élargit sa vocation aux personnes en situation de précarité ». En effet, confirme Jean-Christophe Angelini, « l’objectif est qu’il n’y ait plus un seul Porto-Vecchiais qui souffre de malnutrition ou de faim ».

Ainsi, deux fois par semaine, des repas sortiront de la cuisine centrale pour finir dans les assiettes des bénéficiaires de l’aide alimentaire. Soit une cinquantaine de personnes, déjà suivies par le centre communal d’action sociale (CCAS). « Au-delà des denrées brutes que nous leur fournissions via l’aide alimentaire, elles bénéficieront désormais de repas élaborés », se réjouit Didier Lorenzini, conseiller municipal et vice-président du CCAS. Mais ces bénéficiaires de l’aide alimentaire ne sont pas les seules personnes précaires à être ciblées : « Nous sommes dans une démarche zéro déchets, ce qui fait que même en période scolaire, il se peut qu’il reste un certain nombre de repas non livrés, poursuit M. Lorenzini. Le CCAS redistribuera, par convention, ces repas à d’autres personnes dont on sait que ça représentera un petit plus dans leur quotidien. Par exemple, une personne âgée, de retour à son domicile après une hospitalisation. Le portage de repas via la cuisine central permettra de faire face à cette mesure d’urgence car jusqu’à maintenant, nous n’avions pas l’outil pour transformer les denrées. Ensuite aussi, une personne qui vit dans un hameau mais qui ne conduit pas, on peut considérer qu’elle est en perte d’autonomie, même si sa santé est plutôt bonne. Et cet éloignement avec les commerces à proximité peut conduire à une alimentation qui n’est pas adaptée. »

Avant que ne soit coupé le cordon de l’inauguration, le prêtre de Porto-Vecchio, Don Thibault, est venu bénir la cuisine centrale. Non sans avoir une pensée pour le pape François, décédé en ce lundi de Pâques : « Le pape François, où qu’il nous voie, doit être fier, car il était très attaché à ce qu’on n’oublie pas les plus pauvres. »