Économie : Les ambitions nationales de l’Atelier Corse Fruits et Légumes

Rédigé le 27/04/2025
Christophe Giudicelli

Créé en 2021 à Linguizzetta par un collectif de producteurs et d’industriels, l’Atelier Corse Fruits et Légumes valorise chaque année 3 000 tonnes d’agrumes issus des écarts de production agricole. 23 sont fabriqués au total, allant du jus de clémentine aux cosmétiques, en passant par les condiments culinaires, fournissant particuliers comme industriels. L’entreprise ne manque pas de projets et d’idées pour grandir. Rencontre avec Vincent Marcadal, l’un des associés.

Vincent Marcadal l'un des associés de l'Atelier Corse Fuits et Légumes présente les ambitions nationales de l'entreprise

 - Quel bilan faites-vous aujourd’hui de l’Atelier Corse Fruits et Légumes ?
- On est une entreprise jeune. On a encore beaucoup de challenges à relever et de développement à mettre en place, mais nous sommes très contents, parce que la première promesse — qui est d’essayer de valoriser ce qu’on n’arrivait pas à vendre en frais en tant que producteurs, nous sommes 120 producteurs — est tenue. 3.000 tonnes de fruits sont ainsi valorisées au total, et ça, c’est une vraie fierté. Maintenant, il faut qu’on arrive à développer tout ce que l’on peut travailler autour de nos fruits et légumes. On développe la gamme alimentaire, mais aussi la cosmétique. On est loin d’avoir fini : nous avons plein de projets, comme aller sur le légume et développer des filières spécifiques à l’industrie pour travailler avec les collectivités insulaires, notamment les cantines scolaires.

- Une entreprise jeune, mais avec un important investissement au départ, notamment sur l’outil industriel...
- L’échelle de l’outil industriel a été une vraie réflexion. C’était de se dire : sur les agrumes, nous avons un potentiel que nous maitrisons. Mais il y a un potentiel sur tout le reste. Donc oui, nous avons fait ce choix de partir sur des investissements forts et lourds, sur lesquels nous avons été accompagnés, fort heureusement, mais qui restent quand même assez conséquents, parce qu’on veut être à la pointe en termes de technologie. Et encore une fois, on a un marché qui est corse, mais aussi un marché national, et une ambition de faire partie des acteurs de l’agroalimentaire au niveau national.

- Selon vous, aujourd’hui, ce pari de valoriser les résidus encore utilisables issus de la production agricole est-il tenu ?
- Il est réussi en partie, oui, mais il reste encore des producteurs qui ne valorisent pas forcément les résidus de production. Donc notre objectif, c’est d’arriver à capter ce volume-là.

- On imagine aisément qu’avec un tel outil de transformation disponible, les producteurs valorisent également les résidus qui, désormais, trouvent un débouché commercial et des recettes supplémentaires ?
- Alors oui, sachant qu’aujourd’hui, nous sommes au démarrage, et nous ne sommes pas sur des rémunérations qui sont énormes. Pour un producteur, jeter son résidu a un coût. Aujourd’hui, il est valorisé, et même à un faible niveau, c’est toujours mieux que zéro. Donc oui, aujourd’hui, on apporte un tout petit peu de chiffre d’affaires sur les exploitations. Encore une fois, l’objectif, c’est de se développer et de faire évoluer cette rémunération auprès des producteurs.
 
- Vous l’avez dit, votre ambition est de vous développer en Corse et au-delà. Mais les contraintes sont nombreuses sur l’île : le transport, les faibles volumes... Comment se démarquer ?
 - Ce qui fait aujourd’hui notre force, c’est que, technologiquement, on a fait un investissement lourd pour proposer un produit très proche des qualités organoleptiques de la clémentine de Corse, du pomelo de Corse, de l’orange et du citron que l’on travaille ici. On arrive à se faire une place sur le marché parce qu’on présente un produit à forte identité, sur lequel on a une valeur ajoutée en termes de goût et de qualité. Cela fonctionne si on a les bonnes personnes aux bons endroits. Et c’est là que je tiens à saluer notre directeur général, Jean-Do Valentini, qui, de par son expérience et son savoir-faire, a su capter et intéresser les clients. Aujourd’hui, nous avons plein de domaines de diversification, et nous travaillons sur des thèses grâce à l’université de Corse, sur les arômes et les extraits. Ce sont des réflexions en interne qui nous permettent d’avancer, de savoir où il y a un marché ou non. On ne peut pas se battre sur le terrain du volume. Vous imaginez bien que, face à des géants comme Coca-Cola, on est tout petits. On ne peut pas se permettre de les attaquer sur le prix, puisqu’en termes d’économies d’échelle, on ne sera pas compétitifs. Donc on parle de l’image, on parle de la qualité du produit. Sur « La Corsica », nous sommes le seul soda de fruits 100% français.

- Il y a aussi l’atout de la démarche environnementale ?
- Sur l’aspect environnemental, on le fait déjà avec de l’anti-gaspi. On achète des productions qui étaient mises de côté ; on a donc déjà un impact écologique important. Ensuite, sur la conception du bâtiment, on a fait des choix d’investissement, en partenariat avec EDF, pour pouvoir orienter notre bâtiment et notre process afin d’être vertueux et d’avoir un impact positif sur l’environnement. Et aujourd’hui, c’est demandé par les consommateurs. À partir du moment où le prix est un peu plus élevé, il faut présenter d’autres arguments. Ces arguments, ce sont le goût, l’authenticité, la localité, et tout l’aspect environnemental que l’on considère tout au long du processus de production.

- Quels sont les futurs projets ?
Aujourd’hui, il y a une vraie orientation sur les légumes, parce qu’on a un outil très utilisé pendant la saison des agrumes, mais qui a besoin d’être utilisé le reste de l’année. Donc, là, on a un projet d’agroforesterie auquel on intégrerait une partie légumes. On a déjà des contrats avec certaines collectivités sur l’île qui sont en demande de ce genre de produits saisonniers. En passant par l’atelier on peut se permettre de les proposer toute l’année.