Malvoyante, Maëlyss Galizia se prépare pour le marathon de Paris

Rédigé le 09/11/2025
Christophe Giudicelli

Maëlyss Galizia, originaire de Piedigriggio atteinte d’un glaucome depuis l’âge de cinq ans, est progressivement devenue malvoyante. À 29 ans, la jeune femme s’est fixé un défi : terminer le marathon de Paris en 2027. Il y a deux ans, elle a repris le sport. Et, il y a quelques mois, elle s’est lancé ce défi ambitieux, d’ici là on la retrouvera sur la Spassighjata à Bastia le 6 décembre prochain.

Malvoyante, Maëlyss Galizia se prépare pour le marathon de Paris

- Pourquoi vous êtes vous lancé ce défi ?
-,J’avais envie de me prouver, et de prouver qu’avec un handicap visuel, nous pouvons encore faire plein de choses. C’est juste une question d’adaptation, et il ne faut pas avoir peur de voir un peu plus grand. Au début, j’étais simplement partie sur la Spassighjata à Bastia, mais d’ici le marathon de Paris, il y aura d’autres courses.

- Pour cela vous allez courir avec un guide
- L’an passé, avec les JO, j’ai vu comment fonctionnait la course avec un guide. J’ai suivi les athlètes paralympiques sur les réseaux sociaux, on a regardé les systèmes d’attache, et puis on a appris à s’en servir.
Au tout début, j’ai commencé à courir seule sur le tapis, mais comme je n’ai plus de vision centrale, j’ai tendance à perdre l’équilibre. On a commencé à mettre une petite lumière sur la gauche pour avoir un repère. Puis j’ai mis un élastique à l’arrière du tapis pour savoir quand il fallait avancer. Par la suite, on a commencé à sortir sur des pistes propres, sans trous, sans voitures, avec le lien. On a testé le côté duquel le guide devait se mettre, puis on est allés sur des pistes en terre, plus compliquées, pour voir comment on pouvait communiquer sur les obstacles du parcours. On apprend tout ça.

- C’est un apprentissage qui est long ?
On peut facilement se faire mal aux chevilles. Courir sur une piste en terre, c’est plus physique. Mais c’est surtout le nombre d’informations qui arrivent : les trous, les faux plats, etc. Au niveau mental, c’est plus compliqué, il faut tenir sur la durée.

- Est-ce que ne pas avoir la vue décuple les autres sens ?
Je travaille surtout sur mon équilibre, car quand on perd la vision centrale, il faut faire travailler son oreille interne. Après, je me repose sur mon guide. Mais je sais que j’ai beaucoup développé l’ouïe et l’odorat. Je ne sais pas encore si ça m’aide pour la course.

- Quand on court sans voir, qu’est-ce qu’on ressent ?
- Une sensation de lâcher-prise et de liberté, car on n’est plus dans le contrôle : je fais confiance à mon guide. Mais je retrouve aussi du contrôle, car j’ai l’impression d’être autonome. Le contrôle et la liberté en même temps.
Parfois, il y a de l’appréhension, car il y a des ombres, on a la sensation de se prendre quelque chose alors qu’il n’y a rien. Ça peut être étrange.

- Si les rues du marathon de Paris sont larges, la Spassighjata, c’est une autre affaire avec ses ruelles serrées, ses escaliers…
- Le plus compliqué, ça va être les passages avec des escaliers, notamment les descentes. En plus, sur la Spassighjata, ils sont irréguliers, il y a de la terre, des galets. Je n’apprends pas le parcours par cœur, le guide est là pour ça. Je sais qu’il y a des passages où je vais pouvoir lâcher prise, et d’autres plus techniques où je marcherai.

- D’autres courses ? On peut vous imaginer en montagne ?
- J’aimerais bien, mais là, tout de suite, je m’entraîne surtout sur route.

- Si la presse insulaire se fait l’écho des sportifs en situation de handicap, les malvoyants sont moins représentés. C’est aussi le but de votre démarche ?
- Oui, j’espère qu’à travers ça, s’il y a des personnes non ou malvoyantes en Corse, elles pourront se dire : “Nous aussi, on peut le faire.” Et si ça ouvre la voie en Corse, tant mieux.
J’ai croisé un coureur sur la Paolina. Et même si la Spassighjata paraît compliquée, si je peux le faire, d’autres peuvent aussi.

- L’objectif est de créer une association ?
Je voudrais créer une association autour de la course à pied pour les mal et non-voyants, mais aussi pour les personnes voyantes. Organiser des sessions d’entraînement et avoir notre propre course avec des guides.
Le but, c’est aussi d’ouvrir des voies, et j’ai déjà eu des retours de personnes qui voudraient guider. Si on peut parler un peu plus du handicap visuel en Corse, le pari sera gagné.