5 mai 1992 : Furiani, la nuit où le football a basculé dans l’horreur

Rédigé le 04/05/2025
Charles Monti

Trente-trois ans après la tragédie de Furiani, le souvenir reste intact. Dix-huit morts, plus de deux mille blessés : une soirée de football devenue cauchemar, gravée dans la mémoire collective. En Corse comme ailleurs, cette plaie ouverte le 5 mai 1992 ne s’est jamais refermée.

Il y a des dates qui ne s’effacent jamais. Le 5 mai 1992 devait être une fête pour le football corse : Bastia accueillait l’Olympique de Marseille en demi-finale de la Coupe de France. Une affiche de rêve, dans un stade Armand-Cesari surchauffé par l’attente populaire. Pour satisfaire la demande et maximiser la recette, une tribune provisoire est construite à la hâte, sans respect des normes de sécurité.


À 20h23, cette tribune s’effondre brutalement, emportant dans sa chute des centaines de personnes. Dix-huit morts. Plus de deux mille blessés. Des cris, des sirènes, de l’incompréhension. Le chaos. Le match ne sera jamais joué, mais rien ne pourra effacer ce qui s’est effondré ce soir-là : des vies, des familles, une confiance.


Les images diffusées en direct sont insoutenables. Les brancards improvisés. Les joueurs en pleurs. Les corps, les cris, le silence ensuite. Ce qui devait être une célébration du sport est devenu le théâtre de l’un des pires drames que le football ait jamais connu.
Le signataire de ces lignes, victime comme tant d’autres, n’a jamais voulu voir les images des faits. Il n’a pas feuilleté les archives, ni visionné les reportages d’époque. Il n’a que le récit transmis : des mots chargés de larmes, des silences lourds de souvenirs, et une douleur transmise comme un héritage. On ne se remet pas d’un drame pareil. On apprend à vivre avec. Mais on n’oublie pas.


Et pourtant, l’oubli — ou du moins l’indifférence — a longtemps plané au niveau national. Malgré les appels du collectif des victimes et des familles, il aura fallu plus de deux décennies pour que l’idée d’un 5 mai sans match s’impose. Pendant des années, le calendrier du football français a continué d’ignorer cette date pourtant marquée d'une pierre noire, comme si le deuil devait rester local, insulaire. Il aura fallu lutter, encore et encore. Ce n’est pas un consensus qui a émergé, mais une exigence morale trop longtemps piétinée.


Le 5 mai 1992 n’est pas une simple page d’histoire du football. C’est une cicatrice profonde. Un cri qui résonne encore. Un rappel que la passion ne justifie jamais l’imprudence. Ce soir-là, à Furiani, c’est toute une île qui a pleuré.
Et c’est tout un pays qui, trop longtemps, a préféré détourner le regard.