Assassinat de Me Antoine Sollacaro : le procès 13 ans après

Rédigé le 02/11/2025
La rédaction avec AFP

Le 16 octobre 2012, Antoine Sollacaro, avocat d'Yvan Colonna et de l'ex-dirigeant nationaliste Alain Orsoni, était assassiné, suscitant une onde de choc et une chasse à la mafia en Corse. Treize ans après, le procès s'ouvre ce lundi à Aix-en-Provence, sous l'hypothèque d'une absence du principal accusé.

Ce mardi-là à 9h05, Antoine Sollacaro achète comme chaque matin son journal dans une station-service du bord de mer d'Ajaccio. Assis au volant de sa Porsche Carrera, l'avocat de 63 ans est exécuté de neuf balles, dont cinq dans la tête, par le passager d'une moto.
Cet assassinat, le 15e en Corse en 2012 et le premier depuis 20 ans en France d'un avocat, bouleverse. "C'est la justice toute entière qui est touchée", réagit la garde des Sceaux de l'époque, Christiane Taubira, parlant d'"onde de choc".


Trois membres présumés du gang du "Petit Bar" sont renvoyés devant les assises des Bouches-du-Rhône jusqu'à mi-décembre: Jacques Santoni, 47 ans, le chef présumé de cette bande criminelle, est décrit par la justice comme "le commanditaire" et le "cerveau" de l'assassinat et sera jugé pour complicité d'homicide volontaire en bande organisée; André Bacchiolelli poursuivi pour homicide volontaire en bande organisée et Mickaël Ettori, en fuite, pour association de malfaiteurs.
Tous nient leur implication et le procès va s'ouvrir sous l'hypothèque de l'absence du principal accusé. Jacques Santoni est en effet tétraplégique depuis un accident de moto en 2003, raison pour laquelle il n'est pas détenu en dépit de plusieurs condamnations.
Une expertise, à la demande de la cour d'assises d'Aix, vient de conclure que son état de santé n'était pas compatible avec sa comparution aux audiences, mais l'accusation estime que des aménagements sont envisageables et l'ouverture du procès, ce lundi à 14 heures devrait être dominée par cette question.


Pour l'accusation, le mobile du crime serait la rivalité entre le "Petit Bar" et le clan Orsoni, sur fond de mainmise économique sur la Corse-du-Sud.
Mais si l'arme du crime n'a pas été retrouvée et qu'aucun ADN n'a permis de confondre les auteurs, la justice s'appuie sur les déclarations du premier repenti de France, Patrick Giovannoni, ex-"petite main" du Petit Bar. Il a affirmé avoir reçu en 2012 des confidences de Jacques Santoni: "C'est nous qui avons tapé".


"Mafia qui gangrène" 
Né le 30 janvier 1949 à Propriano (Corse-du-Sud), Antoine Sollacaro, militant nationaliste de la première heure, était l'un des pénalistes corses les plus brillants, bâtonnier d'Ajaccio de 1998 à 1999.
Il avait assuré la défense d'Yvan Colonna, condamné à la prison à perpétuité pour l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998.
Il était également l'avocat d'Alain Orsoni, ancien dirigeant du Mouvement pour l'autodétermination (MPA), devenu en 2008 président du club de football Athletic Club d'Ajaccio, et de son fils Guy. Ou encore de membres présumés ou proches du grand banditisme insulaire.
À la barre, il était connu pour ses plaidoiries pugnaces et cinglantes, voire provocantes comme en 2009 lorsqu'il compare la cour d'assises spéciale de Paris qui juge Yvan Colonna à une "junte birmane".
Lors de ses funérailles à Propriano, quelque 150 avocats en robe noire venus de toute la France lui rendent hommage, devant un millier de personnes, tandis qu'une minute de silence est observée dans tous les tribunaux de France.
Mais le 14 novembre 2012, un mois plus tard, l'histoire bégaye: Jacques Nacer, président de la chambre de commerce et d'industrie de Corse-du-Sud, proche d'Alain Orsoni, est à son tour assassiné.
Christiane Taubira et Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, viennent deux fois en Corse pour affirmer haut et fort la mobilisation de l'Etat, tout en appelant les Corses à se rebeller contre "la mafia qui gangrène l'île".
Le 5 décembre, une moto correspondant à celle des tueurs d'Antoine Sollacaro est retrouvée.
Et moins de six mois après sa mort, 11 personnes sont arrêtées dont André Bacchiolelli et Mickaël Ettori, alors présentés par Manuel Valls comme les "piliers de la trop célèbre bande du Petit Bar".
Si l'enquête semble rondement menée, c'est sans compter des années de contestation et d'annulation de procédures, jusqu'à, enfin, l'ouverture de ce procès très attendu.


La veuve du bâtonnier, Jeannine Farioli-Sollacaro a indiqué lors d'un hommage mi-octobre à Ajaccio attendre que passe la justice, refusant "une mascarade" de procès. Ce sera "sa dernière cour d'assises", avait alors ajouté sa fille, Anna-Maria Sollacaro, avocate comme son père.